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Potlatch. La Part maudite et la Notion de dépense

 

Potlatch. La Part maudite et la Notion de dépense

 

Lors de la parution de La Part maudite en 1949, Georges Bataille révélait qu’il travaillait depuis dix-huit ans à l’élaboration de cette représentation du monde dont, seize ans auparavant « La Notion de dépense » publiée dans la revue « La Critique sociale » constituait une première approche. C'est un exposé systématique de sa vision du monde : philosophie de la nature, philosophie de l'homme, philosophie de l'économie, philosophie de l'histoire. C'est la notion d'excès qui est à la base de cette construction. L'hypothèse de Bataille : il y a toujours excès, parce que le rayonnement solaire qui est à la source de toute croissance, est donné sans contrepartie. Donc il y a accumulation d'une énergie qui ne peut être que gaspillée dans l'exubérance et l'ébullition. L'homme est, de fait, une machine d'un rendement supérieur à un ; car quoi qu'il fasse, il laissera après sa mort une accumulation d'énergie cristallisée sous forme d'objets, d'immobilier, d'inventions, d'œuvres d'art ou d'écrits.

 

Bataille nous donne dans cet essai son œuvre majeure. Voici donc quelques concepts et citations extraits de cette œuvre magistrale : " Les phénomènes économiques ne sont pas faciles à isoler, et leur coordination générale n'est pas facile à établir. Il est donc possible de poser la question à leur sujet : l'ensemble de l'activité productive ne doit-il pas être envisagé dans les modifications qu'il reçoit de ce qui l'entoure ou qu'il apporte autour de lui ? En d'autres termes, n'y a-t-il pas lieu d'étudier le système de la production et de la consommation humaine à l'intérieur d'un ensemble plus vaste ? La surabondance de l'énergie biochimique est la croissance. Les trois luxes de la nature : la manducation, la mort et la reproduction sexuée. Le don de rivalité. Le potlatch des Indiens du Nord-ouest américain est comme le commerce, un moyen de circulation des richesses, mais il exclut le marchandage. C'est le don solennel de richesses considérables offertes par un chef à son rival afin d'humilier, de défier, d'obliger. Le donataire doit effacer l'humiliation et relever le défi, il lui faut satisfaire à l'obligation contractée en acceptant : il ne pourra répondre, un peu plus tard, que par un nouveau potlatch plus généreux. Dans la quatrième partie " la société industrielle ", Bataille nous décrit les origines du capitalisme et la Réforme : la morale protestante et l'esprit du capitalisme, l'économie dans la doctrine et dans la pratique du Moyen-âge, la position morale de Luther. Le monde bourgeois : la contradiction fondamentale de la recherche de l'intimité dans les œuvres, la similitude de la Réforme et du marxisme, la résolution des difficultés matérielles et le radicalisme de Marx, les survivances de la féodalité et de la religion, le communisme et l'adéquation de l'homme à l'utilité de la chose.

 

Pour Georges Bataille, La Part maudite abordait, “ en dehors des disciplines particulières, un problème à la clé de tous ceux que pose chaque discipline envisageant le mouvement de l’énergie sur la Terre – de la physique du globe à l’économie politique, à travers la sociologie, l’histoire et la biologie. Même ce qui peut être dit de l’art, de la littérature, de la poésie est en rapport au premier chef avec le mouvement de l’énergie excédante, traduit dans l’effervescence de la vie ”. Le sens le plus intime de cette entreprise est donné par le fait que cette ébullition du monde, voué à l’“ abandon ”, à l’“ écoulement ” et à l’“ orage ”, est conçue à l’image de celle qui n’a cessé d’animer la vie de l’auteur. Aussi, La Part maudite occupe-t-elle une place centrale dans l’œuvre de Georges Bataille. Ébauché en 1933 avec un article intitulé « La notion de dépense », ce projet engendre en 1949 le plus systématique - et peut-être le plus magistral - des livres théoriques de Bataille : La Part maudite. Il s'agit, dit-il, d'un ouvrage d'économie politique, mais on y trouve aussi des considérations énergétiques, sociologiques, anthropologiques et historiques.

 

Alors que l'économie s'est toujours fondée sur la rareté pour mettre l'accent sur la production, Bataille, s'inspirant de l' « Essai sur le don » du sociologue Marcel Mauss, affirme le contraire : que c'est à un excès d'énergie qu'il nous faudrait faire face, lequel ne saurait être réinvesti dans quelque production, mais consumé, dépensé en pure perte. Mobilisant l'Histoire la plus ancienne, il indique comment certaines sociétés surent s'inventer des formes appropriées de dépense : tel fut le sacrifice pour les Aztèques ou le potlatch pour les Amérindiens. Rappelant l'Histoire la plus récente, il montre à quelle dépense catastrophique s'expose une société qui ne veut pas tenir compte d'une telle « part maudite ». De cette « histoire universelle », « L'histoire de l'érotisme » et « La souveraineté » formeront les deux volets suivants. Mais, comme si ces livres devaient n'être que les éléments d'une œuvre plus considérable encore, où les grands thèmes qui ont toute sa vie été les siens - le travail, la guerre, le temps, l'histoire, le sacrifice, l'érotisme, la souveraineté, etc. - eussent trouvé chacun leur place, Bataille ne les publie pas

 

Potlatch est un mot chinook. Le Chinookan est maintenant une langue morte, elle était parlée par une tribu amérindienne. Le Chinook Jargon, qui était parlé en Colombie-Britannique et dans les États pacifiques et montagnards des États-Unis est un mélange de chinookan, nootkan, chehalish, français, anglais et autres. Potlatch est un mot chinook, signifiant "donner", le potlatch est un comportement culturel, souvent sous forme de cérémonie plus ou moins formelle, basée sur le don. Plus précisément, c'est un système de dons/contre-dons. C'est un processus placé sous le signe de la rivalité, il faut dépasser les autres dons. Originellement, la culture du potlatch était pratiquée autant dans les tribus du monde amérindien (les Amériques) que dans de nombreuses ethnies de l'océan Pacifique, jusqu'aux Indes. Le mot a été introduit en anthropologie en 1936 par Robert Harry Lowie.

 



12/03/2018
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