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100% Money d'Irving Fisher / Résumons « 100% Money » / Réponses aux objections

 

64 - 100% Money d'Irving Fisher

 

« Ainsi notre moyen national d’échange est maintenant à la merci des transactions de prêts des banques, qui prêtent, non pas de l’argent, mais des promesses de fournir de l’argent qu’elles n’ont pas. » I. Fisher

 

« Si tous les prêts bancaires étaient remboursés, il n’y aurait plus ni le moindre centime en dépôt en banque, ni la moindre pièce ou le moindre billet en circulation. […] l’absurdité tragique de notre impuissance est presque incroyable mais c’est bel et bien la réalité. » Robert H. Hemphill, dirigeant de la Federal Reserve Bank d’Atlanta dans les années 30 en préface de la première édition de « 100% Money ».

 

Deux ans après avoir écrit « The Debt Deflation Theory » où il expliqua comment le processus de désendettement a pu mener les États-Unis dans la pire déflation et dépression économique de son histoire, Irving Fisher publia « 100% Money » en 1935. Réforme monétaire, projet politique de très grande ampleur, monument pour la théorie économique, ouvrage convaincant de vulgarisation, ce livre d’un des plus grands économistes de l’ère moderne est resté presque inconnu de la très grande majorité des spécialistes. Ce livre a grandement influencé la pensée du prix Nobel Maurice Allais. Fisher y expose très simplement comment assainir l’incroyable château de cartes monétaire reposant sur une pyramide de dettes pour mettre fin aux immuables cycles destructeurs de boom et de dépression.

L’œuvre d’Irving Fisher - wikiberal.org/wiki/Irving_Fisher

 

« 100% Money. La couverture intégrale. Changer de système monétaire pour sauver le capitalisme » est quasiment introuvable en anglais et a été traduit en français par Nathanael Faibis. Ce livre remet purement et simplement en cause les fondements mêmes des systèmes monétaires modernes. Pour Fisher, le constat est clair, ce système irrationnel et vicieux est à la racine de tous les grands phénomènes de booms et de crises. Cela est d’autant plus étonnant qu’Irving Fisher, par sa théorie quantitative de la monnaie et sa théorie de l’intérêt, est souvent considéré comme le Saint-Patron des banquiers centraux et des économistes conservateurs.

 

L’importance de ce livre est cruciale. L’actualité de cet ouvrage est frappante. Confrontés à une crise de la dette privée sans précédent, nous ne trouvons pas d’autres solutions que d’asperger le marché de liquidités et d’endetter lourdement nos États, ne faisant que repousser l’inévitable processus de désendettement. Or, dans notre système monétaire comme dans celui des États-Unis des années 30, le corollaire du désendettement, c’est la déflation. Le plan d’Irving Fisher « 100% money » ou plan de réserve intégrale nous présente ce qui pourrait bien être LA solution pour sortir de cette impasse.

 

Et si notre système monétaire n’avait jamais été véritablement réfléchi ? C’est en partant de cette question toute simple qu’il faudrait étudier le problème monétaire. L’opinion d’Irving Fisher en 1935, lors de l’écriture de 100% Money, six ans après le début de la grande dépression, est claire : il n’a jamais été mûrement réfléchi par un quelconque décideur. Le système monétaire ayant cours à cette époque aux États-Unis et dans la majeure partie des pays industrialisés ne serait qu’une pure contingence de l’histoire, modelée au cours des siècles par l’appât du gain des banquiers. Il serait « le maillon faible » de notre système économique et la cause principale des épisodes récurrents de boom et de dépression dont souffrent les économies capitalistes depuis le début de son histoire, c'est-à-dire depuis ''l'invention'' de la monnaie ou de sa création ex-nihilo par les banquiers.

 

De fait, notre système monétaire n’a que très peu changé depuis 1935. Il peut sembler étonnant de réfléchir au problème monétaire actuel en étudiant le système monétaire américain des années 30 avec tous ses archaïsmes. Pourtant, dans le fond, en 1935, si l’on excepte les règlements internationaux, il fonctionnait presque de la même façon que le système monétaire américain ou de la zone euro d’aujourd’hui : banque centrale indépendante, taux directeur, opération d’Open Market, réserves fractionnaires, espèces et argent sur compte bancaire, création et destruction de monnaie par les banques.

 

Ce qui est également étonnant, c’est qu’Irving Fisher est un des économistes les plus célèbres et les plus reconnus de tous les temps. Ses théories sont enseignées dans les facultés d’économie du monde entier, tout particulièrement en ce qui concerne la théorie quantitative de la monnaie et celle du taux d’intérêt. Ses travaux les plus célèbres sont le fondement même de la grande majorité des politiques monétaires en cours actuellement dans le monde entier. Mais le plus étonnant, c’est que son livre est aujourd’hui pratiquement inconnu de la très grande majorité des économistes et même des spécialistes en question monétaire, encore plus des hommes politiques. Ainsi, celui qui est considéré par beaucoup comme le père de la pensée monétaire a très clairement écrit et clamé haut et fort que notre système monétaire institutionnel était intrinsèquement mauvais, mais cela est ignoré par presque tout le monde, y compris la majeure partie des décideurs au sein des banques centrales.

 

Pour comprendre comment cela est possible, il faut retourner à l'époque. En 1935, Irving Fisher est un économiste qui a tout vécu, la gloire en devenant l’économiste le plus renommé des États-Unis dans les années 10 et 20, écouté à la fois par le grand public et dans les sphères politiques. Puis le discrédit suite à la crise de 1929 et cette phrase malheureuse « Le prix des actions semble avoir atteint un haut plateau permanent » quelques jours avant le fameux jeudi noir. Ruiné par de mauvais investissements, raillé par le grand public pour n’avoir absolument rien vu venir, Irving Fisher eut le mérite de remettre en cause l’ensemble de ses théories pour essayer de comprendre comment une telle catastrophe avait pu arriver. Peu à peu, il redevint une des figures économiques les plus écoutées et fut par exemple l’un des principaux inspirateurs de la politique de « reflation » du président Roosevelt.

 

En 1932, Irving Fisher émet sa fameuse théorie de la « dette-déflation » qui est relativement revenue sur les devants de la scène depuis le début de la crise financière et économique actuelle. Son analyse est cinglante pour le mouvement néo-classique dont il est aujourd’hui considéré, apparemment à tort, comme l’un des champions : « Dans les faits, il y a presque toujours surproduction ou sous-production, surconsommation ou sous-consommation, sur-dépense ou sous-dépense, sur-épargne ou sous-épargne, surinvestissement ou sous-investissement et sur et sous tout ce que l’on peut bien vouloir. Il est aussi absurde de supposer que, pendant un long laps de temps, les variables économiques puissent rester stables, en équilibre parfait que de supposer qu’il n’y aura plus jamais de vagues sur l’océan Atlantique». À la racine de toutes les crises, il y aurait une cause commune : le surendettement. Or ce surendettement aurait une conséquence très fâcheuse au sein de notre système monétaire. Il serait impossible de voir un processus de désendettement au sein d’une économie de l’ensemble des agents sans voir une destruction des moyens de paiement. Ce processus est expliqué très clairement dans son ouvrage. La destruction des moyens de paiement est la catastrophe qui a ravagé l’économie américaine au début des années 30 et mis des dizaines de millions de travailleurs au chômage.

 

Ce n’est qu’en 1935, alors que se font sentir les premiers signes de rétablissement, qu’est édité 100% Money. Partant à peu près du même constat que dans sa théorie de la dette-déflation, il y dénonce les errements du système de réserves fractionnaires et propose un nouveau système monétaire qui permettrait à la fois de sortir de la crise et d’éviter de nouveaux cycles destructeurs de booms et de dépressions. La réforme est dans le fond extrêmement simple : les banques devraient avoir l’obligation de garder en réserve l’intégralité des fonds déposés chez elles sur des comptes-courants et devraient seulement avoir le droit de prêter l’argent déposé sur les comptes-épargne. Cela permettrait de mettre fin à la création et à la destruction de monnaie par les banques et de faire disparaître le lien pervers et contingent entre monnaie et crédit.

 

Cette réforme fit l’objet d’un débat important aux États-Unis et fut proposée plusieurs fois au Congrès américain à l’instigation d’Irving Fisher et de certains de ses soutiens, mais refusée à chaque fois. Peu à peu oublié lors des années de forte croissance d’après-guerre, ce projet refit surface lors des années de grande inflation des années 70 grâce au prix Nobel d’économie français Maurice Allais, mais sans plus de succès. Pourtant, les bienfaits d’un tel système pour nos économies seraient immenses. Ce livre a été écrit en direction à la fois des hommes politiques de son temps et du grand public. À cet effet, les explications sont aussi simples que possible, Irving Fisher n’hésitant pas à détailler certains mécanismes afin d’être compris du plus grand nombre. Comme dans cet ouvrage, vous découvrirez dans 100% Money le fonctionnement on ne peut plus étrange de notre système monétaire et de plus, l’opinion déconcertante du plus célèbre spécialiste en question monétaire à propos de notre système actuel. Fischer, dans ce livre, donne un plan original pour sortir de la crise et prévenir l’arrivée d’autres crises, un plan allant plus loin que l’exhortation devenue rituelle ces derniers temps à « plus de régulation ».

 

La crise financière de 2008 a démontré l’extrême fragilité du système financier mondial. La chute d’une seule banque d’investissement, Lehmann Brothers, faisant presque chavirer l’ensemble du secteur financier. Ainsi, les mauvais investissements d’une banque de taille relativement moyenne peuvent potentiellement détruire notre économie. Une couverture intégrale serait-elle un moyen de mettre fin à l’extrême fragilité du réseau financier mondial ? Les niveaux d’endettement atteints dans la très grande majorité des pays industrialisés en ce qui concerne les ménages, les entreprises, les États ou encore le système financier, ont atteint des sommets historiques. En 1981, l’endettement global (prenant en compte tous les acteurs y compris financiers) des États-Unis était de 150% du PIB, il était de 350% du PIB en 2009. En France, le constat est identique. L’endettement des agents non financiers est passé de 150% du PIB fin 2000 à près de 190% du PIB en mars 2009. Une des questions de fond de la crise actuelle est se savoir comment sortir de cet état de surendettement sans provoquer une grave déflation. Selon les théories d’Irving Fisher, le système de couverture intégrale serait une solution.

 

Nous sortons en réalité d’une période d’inflation extraordinaire. Certes, les indices des prix à la consommation sont restés plutôt stables durant les dernières années. Et l’inflation « officielle » est restée très basse dans la zone euro et dans une moindre mesure aux États-Unis. Mais les prix des actifs (immobilier, actions, matières premières…) ont tout simplement explosé. L’évaluation du patrimoine des ménages français par l’Insee a cru de 125% entre 1995 et 2005, totalement déconnecté des performances réelles de l’économie tout comme l’était la hausse des cours à Wall Street dans les années 20. Or une analyse économique correcte montre bien que sans une très forte croissance des moyens de paiement, les prix des actifs ne peuvent pas monter simultanément aussi fortement. Ce « boom » des actifs est en grande partie dû au pouvoir de création monétaire des banques. L’argent en circulation dans la Zone Euro entre 2000 et 2008 a tout simplement doublé. Ce sont 2000 milliards d’euros qui ont été créés en huit ans si l’on prend en compte seulement les espèces et les comptes-courants. Comment a-t-on pu voir doubler en moins de 10 ans la masse monétaire et croire que cela n’aurait aucun impact ? À qui et à quels circuits cet argent a-t-il profité ? Si votre compte en banque n’a pas doublé lors des dix dernières années, vous êtes en droit de vous le demander. C’est une question démocratique de fond qui aujourd’hui est totalement occultée par l’opacité et la complexité apparente de notre système monétaire.

 

Le Japon a lutté pendant plus de quinze ans tant bien que mal contre la déflation, suite à l’explosion d’immenses bulles spéculatives au début des années 90, laissant ménages et entreprises surendettés. Depuis la crise asiatique de 98, ménages et entreprises liquident leurs dettes à grande vitesse provoquant ainsi de fortes tensions déflationnistes. L’État nippon a dû s’endetter hors de toute mesure pour contrer cette déflation. La dette publique japonaise est passée de 60% du PIB environ au début des années 90 à plus de 190% en 2009 (en comparaison, l’endettement de l’État français était de 65% du PIB en 2007). C’est un exemple à ciel ouvert de dette-déflation combattue par l’endettement de l’État. Cet ouvrage démontre magistralement le paradoxe absurde et tragique de notre système monétaire : un désendettement simultané des ménages, des entreprises, des institutions financières et de l’État est impossible sans subir une destruction de nos moyens de paiement, une grave déflation et une crise économique majeure. Face à une situation qui paraît à bien des égards sans issue, la réforme de couverture intégrale ouvre de nouvelles perspectives. 100% Money en français : fichier-pdf.fr/2011/10/24/100-money/100-money.pdf / fichier-pdf.fr/2011/10/24/100-money/ /

 

 

65 - Résumons « 100% Money »

 

« Par conséquent, nos moyens de paiement nationaux sont à la merci des transactions de prêts de la banque, et nos milliers de banques de dépôt sur comptes chèque sont, dans les faits, comparables à d’irresponsables émetteurs de monnaie privés. Si nos banquiers veulent continuer à commercialiser la fonction essentielle de l’industrie bancaire, le prêt, ce qu’ils peuvent effectuer mieux que le gouvernement, ils doivent être prêts à abandonner la fonction d’émission monétaire qu’ils ne peuvent effectuer aussi bien que le gouvernement. L’essence du plan 100% Money est de rendre l’argent indépendant des prêts, c’est-à-dire de séparer le processus de création et de destruction de la monnaie de l’industrie bancaire. » 100% Money

 

« Aucune banque ne doit avoir l'autorisation d'augmenter le montant ou la balance de ces dépôts à vue d'un de ses clients, fut-il un simple citoyen ou le Trésor des États-Unis, autrement qu'après avoir reçu un dépôt en billets de banque ou en recevant un chèque provenant d'une banque soumise aux mêmes régulations. Cela implique un système rigide de réserves 100% pour tous les futurs dépôts; c'est-à-dire tous les dépôts qui n'existaient pas au premier jour de la réforme. » Ludwig Von Mises dans ''The Return to Sound Money'' (1951).

 

« Nous avons probablement besoin de moyens de paiement comme notre monnaie actuelle mais sans ses désavantages. Une monnaie de dépôt, adossée à des réserves de 100%, convertible en pièces ou en billets à la demande, transférable sur ordre à un tiers, garanties contre la perte ou le vol, serait une parfaite réserve de valeur pour l'unité de compte. » James Tobin dans ''Policies for Prosperity'' (1987).

 

Aux États-Unis, ainsi que dans quelques autres pays, la plupart de nos factures sont payées par chèque et non pas avec de l’argent passant de main en main. Quand une personne signe un chèque, elle paie avec ce qu’elle appelle « l’argent que j’ai à la banque » comme indiqué par son solde bancaire sur le talon de son chéquier. La somme de tous les soldes sur tous les talons de la nation, c'est-à-dire tous les dépôts sur compte chèque, ou ce que nous pensons habituellement être « l’argent » reposant en banque pouvant servir à payer par chèque constitue le principal moyen de paiement aux États-Unis. Je propose d’appeler cela « l’argent sur compte chèque » à distinguer des espèces ou « argent dans les poches ». L’argent dans les poches est le plus classique de ces deux types. Il est visible et tangible tandis que l’argent sur compte chèque ne l’est pas. Sa prétention à être de l’argent et de s’échanger comme si c’était de l’argent réel vient du fait qu’il « représente » de l’argent réel et peut être converti à la demande en de l’argent réel en « encaissant » un chèque.

 

Cependant, la principale différence entre l’argent sur compte chèque et l’argent dans les poches est que ce dernier est un argent au porteur, accepté par toutes les mains, alors que l’argent sur compte chèque nécessite la permission spéciale du bénéficiaire pour être transféré. En 1926, une année représentative avant la grande dépression, l’argent sur compte chèque détenu par les habitants des États-Unis s’élevait à 22 milliards de dollars selon une estimation, alors qu’en dehors des banques et du trésor des États-Unis, l’argent sonnant, l’argent physique et au porteur dans les poches des gens et dans les caisses des marchands ne représentait que moins de 4 milliards de dollars. Ensemble, les moyens d’échange du pays dans les mains du public faisaient 26 milliards de dollars, 4 milliards circulant de main en main et 22 milliards circulant par chèque.

 

Beaucoup de gens s’imaginent que l’argent sur compte chèque est vraiment de l’argent et repose réellement en banque. Cela est bien sûr loin d’être vrai. Que peut bien être alors ce mystérieux argent sur compte chèque que nous appelons de façon trompeuse notre « argent en banque » ? C’est simplement la promesse des banques de fournir de l’argent à leurs déposants quand il est demandé. Pour couvrir les 22 milliards d’argent sur compte chèque en 1926, les banques détenaient seulement 3 milliards d’argent réel dans leur coffre. Les 19 milliards restants représentaient d’autres actifs que de l’argent ; des actifs tels des titres de créance et tels des obligations d’État ou d’entreprise.

 

En temps ordinaire, comme par exemple en 1926, ces 3 milliards étaient suffisants pour permettre aux banques de fournir aux déposants tout l’argent sonnant qu’ils demanderaient. Mais si tous les déposants avaient demandé de l’argent sonnant au même moment, même si elles auraient pu rassembler un certain montant d’argent sonnant en vendant leurs autres actifs, les banques n’auraient pu avoir assez d’argent pour satisfaire ces demandes pour la simple raison qu’il n’y avait pas assez d’argent sonnant dans tout le pays pour rassembler ces 22 milliards. Et si tous les déposants avaient demandé de l’or au même moment, il n’y aurait pas eu assez d’or dans le monde entier.

 

Entre 1926 et 1929, le montant des moyens de paiement a légèrement augmenté pour passer approximativement de 26 à 27 milliards, 23 d’argent sur compte chèque et 4 d’argent dans les poches. Par contre, entre 1929 et 1933, le montant d’argent sur compte chèque a décru pour atteindre 15 milliards ce qui, avec les 5 milliards d’argent véritable présent dans les caisses et les poches, représentait en tout 20 milliards de moyens de paiement au lieu de 27 en 1929. La hausse de 26 à 27, c’était de l’inflation. La chute de 27 à 20 était de la déflation.

 

Les épisodes de boom et de dépression depuis 1926 sont en grande partie mis en lumière par ces trois chiffres, 26, 27 et 20 pour ces trois années 1926, 1929 et 1933. Ces variations de quantité de monnaie furent en quelque sorte aggravées par l’évolution similaire de sa vélocité. En 1932 et 1933 par exemple, non seulement l’argent circulant était peu important mais sa circulation était lente ; on peut même parler d’un phénomène répandu de thésaurisation. Si on suppose que les montants d’argent en circulation pour 1929 et 1933 étaient respectivement 27 et 20 milliards et que chaque dollar ait changé respectivement de main 30 et 20 fois par année, la circulation totale serait pour 1929, 27x30 = plus de 800 milliards de dollars et pour 1933, 20x20 = 400 milliards de dollars.

 

Les principales variations de quantité de monnaie concernent les dépôts sur compte chèque. Les trois chiffres pour l’argent sur compte chèque sont comme nous l’avons dit 22, 23, 15, pour l’argent dans les poches 4, 4, 5. Un des faits essentiels de cette dépression a été cet effondrement du montant d’argent sur compte chèque qui est passé de 23 à 15 milliards, c'est-à-dire la disparition de 8 milliards de dollars au sein de ce qui est le principal moyen de paiement de notre nation, dont nous avons tous besoin pour faire des affaires.

 

Cette baisse de 8 milliards dans le montant total de l’argent sur compte chèque de la nation s’oppose à la hausse de 1 milliard (i.e. de 4 à 5) de l’argent dans les poches. Le public a retiré ce milliard d’argent sonnant des banques et les banques, pour fournir ce milliard supplémentaire, ont dû détruire 8 milliards de crédit.

Peu de gens ont réalisé cette perte ou destruction de 8 milliards d’argent chèque, et ce fait n’a été que rarement mentionné. Cela aurait fait les gros titres des journaux si 8 miles tous les 23 miles de voies ferrées avaient été détruites. Cependant, un tel désastre aurait eu peu d’importance comparé à la destruction de 8 milliards des 23 milliards de notre principal moyen de paiement. Cette destruction de 8 milliards de dollars de ce que le public considérait comme leur argent a été la grande catastrophe qui a entraîné les deux principales tragédies de la grande dépression, le chômage et les faillites.

 

Les gens ont été forcés de voir 8 milliards des 23 milliards de notre principal moyen de paiement sacrifiés alors que cet argent n’aurait pas disparu si le système 100% ou de réserves intégrales était en place. Et si cela avait été le cas, comme nous le verrons au chapitre VII, il n’y aurait pas eu de Grande Dépression.

Cette destruction d’argent sur compte chèque n’était pas quelque chose de naturel et d’inévitable, cela était dû à un système défectueux.

 

Sous notre système actuel, les banques créent et détruisent de l’argent sur compte chèque en accordant ou en demandant le remboursement des prêts. Quand une banque m’accorde 1000$ de crédit et rajoute 1000$ à mon compte chèque, ces 1000$ « d’argent que j’ai à la banque » sont nouveaux. Ils ont été fraîchement créés de toutes pièces lorsque le prêt a été accordé et simplement ajoutés au talon de mon chéquier et aux livres de comptes de la banque avec un simple stylo. Comme nous l’avons précédemment indiqué, excepté sur ces écritures, cet « argent » n’a pas d’existence physique réelle. Quand plus tard, je rembourserai à la banque ces 1000$, je les retirerai de mon compte chèque et un montant équivalent de moyen de paiement sera détruit avec un simple stylo du talon de mon chéquier et des livres de comptes de la banque. Ainsi, ils disparaissent simultanément.

 

Par conséquent, nos moyens de paiement nationaux sont à la merci des transactions de prêt de la banque, et nos milliers de banques de dépôt sur compte chèque sont, dans les faits, comparables à d’irresponsables émetteurs de monnaie privés. Ce qui pose problème, c’est le fait que la banque ne prête pas de l’argent mais simplement une promesse de fournir de l’argent à la demande, de l’argent qu’elle ne possède pas. Les banques peuvent construire à partir de leur maigre réserve en argent sonnant une pyramide inversée de tels « crédits » c'est-à-dire d’argent sur compte chèque, dont le volume peut être augmenté ou réduit.

 

Il est évident qu’un tel système, aux bases fragiles et au sommet imposant, est dangereux. Il est dangereux pour les déposants, pour les banques et avant tout pour les millions d’innocents que forme le peuple. En particulier, quand la quantité d’argent décroît, le public est privé d’une partie de ses moyens de paiement essentiels grâce auxquels les biens peuvent être échangés. Il y a dans la pratique peu de différence entre permettre aux banques d’émettre cet argent sur compte chèque utilisé comme moyen de paiement que de leur permettre d’émettre de la monnaie papier comme elles le firent durant l’épisode des « Wild Cat Bank Notes ». Ces deux pratiques sont fondamentalement aussi mauvaises.

 

Les dépôts bancaires sont l’équivalent moderne des billets de banque. Cependant, les dépôts peuvent être créés et détruits de façon invisible alors que les billets de banque doivent être imprimés et brûlés. Si 8 milliards de dollars de billets de banque avaient été brûlés entre 1929 et 1933, cet événement n’aurait guère pu passer inaperçu. Comme le système de compte chèque, ou d’argent sur compte chèque, fondé principalement sur les prêts, confiné originellement à quelques pays s’est désormais étendu au monde entier, tous ses périls ne peuvent qu’avoir cru. En conséquence, les futurs booms et dépressions risquent d’être encore pires que ceux du passé, sauf si le système est changé. Les dangers et défauts du système actuel seront discutés en longueur dans les prochains chapitres. Seules quelques lignes suffisent à exposer brièvement le remède proposé.

 

 

66 - La proposition

 

Donner le pouvoir au gouvernement, à travers une « Commission Monétaire » spécialement créée pour l’occasion, de transformer en argent sonnant suffisamment d’actifs de chaque banque commerciale pour que ses réserves atteignent 100% des dépôts sur compte chèque détenus. En d’autres mots, donner le pouvoir au gouvernement, à travers la Commission Monétaire, d’émettre cet argent et d’acheter avec celui-ci des obligations, titres de créance ou autres actifs détenus par les banques ou de prêter cet argent aux banques avec ces actifs comme garantie. En pratique, cela pourrait être en grande partie des « crédits » sur les comptes de la Commission, car très peu d’argent tangible serait demandé aux banques, encore moins qu’aujourd’hui tant que la Commission se tient prête à fournir cet argent à la demande. Alors, tout argent chèque serait couvert par de l’argent véritable, de l’argent dans les poches.

 

Cette nouvelle monnaie (Monnaie de la Commission ou United States Notes) permettrait à tous les comptes chèque d’avoir une couverture intégrale en argent sonnant dans les réserves des banques. Cette émission n’augmenterait ni ne ferait décroître le montant total des moyens de paiement dans le pays. Une banque qui auparavant gardait 100 000 000$ de dépôts sur compte chèque devait détenir légalement des réserves minimum de 10 000 000$ d’argent sonnant (complétées par 90 000 000$ d’actifs non monétaires). Elle enverrait ces 90 000 000$ d’actifs non monétaires à la commission monétaire en échange de 90 000 000$ en argent sonnant, portant ainsi à 100 000 000$ ses réserves en argent sonnant, soit 100% des dépôts sur compte chèque.

 

Une fois cette substitution d’argent réel contre des actifs non monétaires terminée, les banques devraient maintenir de façon permanente des réserves en argent sonnant représentant 100% de leurs dépôts sur compte chèque. En d’autres mots, les dépôts sur compte chèque seraient réellement des dépôts, consistant en de l’argent sonnant détenu par la banque.

 

Ainsi, cette nouvelle monnaie serait ligotée aux réserves des banques par la nécessité légale de maintenir des réserves de 100%.

 

Le département gérant les comptes chèque de la banque deviendrait un simple entrepôt de stockage pour l’argent au porteur appartenant aux déposants et aurait une identité commerciale distincte en tant que banque de dépôt. Il n’y aurait alors plus aucune distinction pratique entre les dépôts sur compte chèque et les réserves. « L’argent que j’ai à la banque » comme indiqué par le talon de mon chéquier, serait vraiment de l’argent et serait vraiment à la banque (ou presque à portée de main). Les dépôts de la banque ne pourraient augmenter pour atteindre 125 000 000$ seulement si l’argent sonnant qu’elle détient augmente également pour atteindre 125 000 000$, c'est-à-dire en voyant ses déposants déposer 25 000 000$ de plus d’argent sonnant en retirant autant d’argent de leurs poches ou de leurs caisses et en le mettant à la banque. Si le montant des dépôts décroissait, cela signifierait que les déposants auraient retiré une partie de l’argent entreposé, le retirant de la banque pour le mettre dans leurs poches ou dans leurs caisses. En aucun cas, il n’y aurait de changement dans le montant total en circulation.

 

Comme cette évolution vers un système de réserves intégrales retirerait des actifs rémunérés aux banques et les remplacerait par de l’argent sonnant non rémunéré, les banques compenseraient cette perte en facturant le service fourni aux déposants, ou grâce à d’autres manières (comme détaillé dans le chapitre IX).

 

 

67 - Les avantages

 

Les avantages résultant de cette réforme pour le public incluraient ce qui suit :

1/ Il n’y aurait plus de panique bancaire et de ruée vers les banques commerciales. Pour la bonne raison que l’intégralité de l’argent des déposants serait en permanence à la banque et disponible à leur guise. En pratique, moins d’argent serait retiré que maintenant. Nous avons tous en mémoire ce déposant apeuré qui cria au guichetier de sa banque « Si vous n’avez pas mon argent, je le veux. Si vous l’avez, je n’en veux pas».

 

2/ Il y aurait beaucoup moins de faillites bancaires. Pour la bonne raison que les principaux créditeurs d’une banque commerciale et les mieux placés pour l’acculer à la faillite sont ses déposants, et ses déposants seraient contentés intégralement, quoiqu’il arrive.

 

3/ La dette du gouvernement serait substantiellement réduite. Pour la bonne raison que la Commission Monétaire, qui représente le gouvernement, mettrait la main sur une grande partie des obligations d’État en cours.

 

4/ Notre système monétaire serait simplifié. Pour la bonne raison qu’il n’y aurait plus de distinction essentielle entre l’argent dans les poches et l’argent sur compte chèque. Tous nos moyens de paiement dans leur intégralité seraient de l’argent véritable.

 

5/ L’activité bancaire serait simplifiée. Aujourd’hui, il existe une confusion en ce qui concerne la propriété de l’argent. Quand l’argent est déposé sur un compte chèque, le déposant pense encore que cet argent est le sien alors que légalement, c’est celui de la banque. Le déposant ne détient pas d’argent à la banque, il est simplement un créditeur de la banque en tant qu’entreprise privée. Une grande partie du « mystère » qui entoure l’activité bancaire disparaîtrait dès que les banques ne seraient plus autorisées à prêter l’argent de leurs clients alors que dans le même temps ces déposants utilisent cet argent comme leur argent en payant par chèque. « M. Dooley » le Will Rogers de son époque, mit en lumière l’absurdité de ce double usage de l’argent quand il décrivit un banquier comme « un homme qui prend soin de votre argent en le prêtant à ses amis ». Dans le futur, il y aurait une distinction claire entre les dépôts sur compte chèque et les dépôts sur compte épargne. L’argent placé dans un compte chèque appartiendrait au déposant, comme n’importe quel dépôt en coffre et ne serait rémunéré par aucun intérêt. L’argent placé dans un compte épargne aurait un statut identique à celui d’aujourd’hui. Ce dépôt appartiendrait sans équivoque à la banque. En échange de cet argent, la banque donnerait droit à un remboursement avec intérêt, mais n’octroierait aucune possibilité de paiement par chèque. Le déposant en épargne aurait simplement acheté un investissement à l’instar d’une obligation à intérêt, et cet investissement ne nécessiterait pas des réserves intégrales en argent sonnant, pas plus que n’importe quel investissement en obligations ou en actions. Les réserves minimum légales pour les comptes-épargne n’ont pas nécessairement besoin d’être changées avec l’arrivée du nouveau système pour les dépôts sur compte chèque (même si un renforcement de ces réserves est désirable).

 

6/ Les grandes inflations et déflations disparaîtraient. Pour la bonne raison que les banques seraient privées de leur pouvoir actuel de créer de l’argent sur compte chèque et de le détruire. En effet, l’octroi de prêts n’augmenterait pas le montant total des moyens de paiement et la demande de remboursement des prêts n’en détruirait pas. Le volume d’argent sur compte chèque ne serait plus affecté en fonction de la croissance ou de la décroissance des sommes prêtées. L’argent sur compte chèque ferait parti intégrante de la monnaie véritable de la Nation et le fait qu’il soit ou non prêté à quelqu’un n’aurait aucune répercussion sur son volume. Même si tous les déposants devaient retirer tout leur argent au même moment ou devaient rembourser tous leurs prêts en même temps ou devaient tous faire défaut en même temps, le volume d’argent de la Nation n’en serait pas affecté. Cet argent serait juste redistribué. Ce total serait contrôlé par son seul émetteur, la commission monétaire (qui pourrait aussi se voir donner des pouvoirs en ce qui concerne la thésaurisation et la vélocité, si cela est désiré).

 

7/ Les épisodes de booms et de dépressions seraient grandement atténués. Pour la bonne raison qu’ils sont grandement dus aux inflations et déflations.

 

8/ Le contrôle de l’industrie par les banques cesserait quasiment. Pour la bonne raison que c’est seulement en temps de dépression que les industries peuvent en général tomber entre les mains des banquiers.

 

De ces 8 avantages, les deux premiers s’appliqueraient principalement aux États-Unis, le pays des ruées vers les banques et des faillites bancaires. Les 6 autres s’appliqueraient à tous les pays ayant un système de dépôt sur compte chèque. Les avantages 6 et 7 sont de loin les plus importants, i.e. la fin de l’inflation ou de la déflation de nos moyens de paiement et de ce fait l’atténuation des épisodes de booms et de dépressions en général et la fin des épisodes de grands booms et de grandes dépressions en particulier.

 

 

68 - Réponses aux principales objections

 

Naturellement, une idée nouvelle ou une idée qui paraît nouvelle, comme celle d’un système de réserves intégrales, devrait provoquer des huées de critique. Voici donc les questions qui viendront le plus probablement à l’esprit de ceux qui ont des doutes à propos du système de réserve intégrale.

 

Comment les banques rentabiliseraient la gestion des comptes courants si l’argent ne peut être prêté ? La gestion des comptes-courants serait facturée aux clients (ce qui déjà le cas avec les frais d'utilisation de la C.B.). Chaque banque fixerait son prix pour ce service. La loi de la concurrence battrait son plein. Avec la technologie actuelle, la gestion des DAV représenterait un coût mineur.

 

Le passage des réserves de 2% à 100% fera-t-il exploser le volume monétaire en circulation ? Pas le moins du monde. Après la transition, le montant des comptes-courants et des billets et pièces en circulation n’aura pas varié d’un centime. Les banques ne pouvant plus utiliser les réserves couvrant les comptes-courants, il n’y aura pas d’augmentation du volume monétaire en circulation.

 

Le taux d’intérêt va-t-il augmenter après la transition ? C’est possible. Si l’offre de crédit disponible (compte épargne + capital des banques) est moins importante que la demande de crédit, les taux d’intérêt vont monter. Si l’offre de crédit est moins importante que la demande, les taux d’intérêt vont baisser. Les taux d’intérêt joueront à plein leur rôle de régulateur entre épargne et investissement.

 

La transition vers le système 100%, le rachat des actifs par de l’argent nouvellement créé, n’augmenterait-il immédiatement pas le montant des moyens de paiement en circulation au sein du pays et ne l’augmenterait-il pas très fortement ? Pas du moindre dollar. Il rendrait simplement l’argent dans les poches et l’argent sur compte chèque entièrement convertibles en changeant les dépôts existants constitués de monnaie imaginaire en dépôts constitués d’argent véritable. Après la transition (et après que le degré prescrit de reflation ait été atteint), la Commission Monétaire pourrait augmenter la quantité de monnaie en achetant des obligations et pourrait la faire décroître en vendant des obligations, étant restreinte dans chaque cas par l’obligation de maintenir les prix ou la valeur du dollar au niveau prescrit avec une précision raisonnable. Il est cependant intéressant de noter que le maintien de réserve de 100% et le maintien d’un niveau des prix sont des problèmes distincts. Chacun peut de façon concevable exister l’un sans l’autre.

 

Y aurait-t-il des actifs de valeur « couvrant » le nouvel argent ? Le jour suivant l’adoption du système de réserves intégrales, le nouvel argent émis transférable par chèque serait couvert par exactement les mêmes actifs, en grande majorité des obligations d’État, qui couvraient l’argent sur compte chèque le jour précédent, mais ces obligations seraient désormais en la possession de la Commission Monétaire. L’idée selon laquelle il faut que toute monnaie ou dépôt soit couvert des titres comme garantie contre une inflation galopante est traditionnelle. Sous le système actuel (que nous allons appeler, par opposition, système 10%), dès que le déposant craint que son dépôt ne puisse lui être fourni en argent dans les poches, la banque peut (théoriquement) vendre des titres contre de l’argent pour rembourser ses clients paniqués. Très bien. Sous le système 100%, la monnaie serait couverte précisément par les mêmes titres et il serait aussi aisé de vendre ces titres. Mais en plus, il y aurait le crédit du gouvernement des États-Unis. En conclusion, il n’y aurait plus de déposants paniqués, craignant de ne pas pouvoir convertir leur dépôt en argent sonnant.

 

Quel argent prêteront les banques sous le système 100% ? C'est l'objection la plus courante à la réforme 100%. Elle repose sur l'idée que si les banques ne peuvent pas prêter l'argent sur compte courant, il n'y aura pas assez d'argent à prêter à l'économie. À cette objection erronée, la réponse est : Les banques pourraient prêter (1) leur capital, (2) l’argent qu’elles reçoivent de leurs clients et placé sur des comptes épargne (ne pouvant pas être utilisé pour payer par chèque), (3) en prêtant l’argent remboursé sur les prêts échus.

 

Lors de la transition du système actuel au système 100%, il n'y aurait pas un centime de crédit qui serait détruit. Une grande partie des crédits passerait juste du giron privé au giron public lors de la nationalisation de la monnaie. Ce transfert correspond à la réappropriation par l'État de tout l'argent créé préalablement et indûment par les banques. Par la suite, la croissance du crédit dépendrait de la croissance réelle de l'épargne et de la création de monnaie nouvelle par l'État. Actuellement, la croissance du crédit dépend uniquement de la demande de crédit stimulé par toutes les sortes de spéculation et emballement spéculatif déstabilisant l'économie.

 

Sur le long terme, il y aurait probablement beaucoup plus d’argent à prêter, car il y aurait plus d’épargne créée et donc disponible à prêter. Mais ici, une telle expansion des prêts, une expansion naturelle provoquée par une expansion de l’épargne, n’impliquerait pas nécessairement une quelconque augmentation de la monnaie en circulation. La seule nouvelle limitation du crédit bancaire serait une limitation saine. Aucune somme ne pourrait être prêtée s’il n’y a pas d’argent disponible à prêter. Ainsi, les banques ne pourraient plus sur-prêter en créant de l’argent à partir de rien de manière à créer de l’inflation et un boom. En plus des trois sources de fonds prêtables citées précédemment (capital de la banque, épargne, et remboursement), il sera possible pour la commission monétaire de créer de l’argent et de le transmettre aux banques en rachetant des obligations. Cependant, l’émission de nouvelle monnaie serait restreinte par l’obligation fondamentale d’empêcher une hausse des prix au-dessus d’un certain niveau prescrit, mesuré par un indice des prix convenable.

 

Ce plan consisterait-il en une nationalisation de la monnaie et des banques ? De la monnaie, oui. De l’activité bancaire, non ce n'est pas obligatoire et c'est une autre décision politique. Les banquiers seraient-ils pénalisés ? Au contraire, (a) Ils partageraient les bienfaits globaux dont tirerait la nation d’un système monétaire plus solide et d’une prospérité retrouvée. En particulier, ils recevraient plus de dépôts sur les comptes épargne. (b) Ils seraient dédommagés (en facturant leurs services ou autrement) de toute perte de profit due à la mise en place de réserves intégrales. (c) Elles seraient pratiquement libérées du risque de futures paniques bancaires et de faillites. Les banquiers n’oublieront pas de sitôt ce qu’ils ont subi lors de la course à la liquidité des années 1931-33, chacun pour soi et les derniers sont démunis. Un tel mouvement de foule serait impossible sous le système 100% car une liquidité de 100% serait assurée à tout moment par chaque banque séparément, indépendamment de ce que font les autre banques.

 

L’étalon-or serait-il abandonné ? Ni plus ni moins qu’il ne l’est aujourd’hui (aux USA jusqu'au 15/08/1971) ! L’or pourrait avoir exactement la même position que la sienne aujourd’hui, son prix fixé par le gouvernement et son utilisation confinée principalement aux règlements internationaux. De plus, un retour au type d’étalon-or que nous avions avant 1933 pourrait, si on le désire, être effectué aussi facilement sous un système 100% que ce ne l’est actuellement. En réalité, sous le système 100%, il est probable que notre vieil étalon-or, s’il est restauré, fonctionnerait tel que cela était voulu au départ.

 

 

69 - Un système de réserve intégrale est tout sauf radical

 

Ce qui est demandé, en principe, c'est un retour depuis l’extravagant et ruineux système d’aujourd’hui consistant à prêter le même argent 8 à 10 fois, au bon vieux système de dépôt en coffre des orfèvres, avant qu’ils ne se mettent de manière inappropriée à prêter l’argent qu’on leur avait remis pour être mis en coffre. C’est cet abus de confiance qui, après avoir été accepté comme une pratique standard, nous a progressivement amené vers le système de dépôt bancaire moderne. Du point de vue politique, cela reste un abus. Ce n’est désormais plus un abus de confiance, mais ce sont les fonctions initiales des prêts et des dépôts qui sont abusées. L’Angleterre a effectué une réforme et un retour partiel au système de réserves intégrales des orfèvres quand, il y a presque un siècle, le Bank Act a été voté, requérant des réserves intégrales pour tous les billets de la Banque d’Angleterre émis au-delà d’une certaine limite (et également pour les billets de toutes les autres banques émettrices qui existaient à cette époque).

 

Le professeur Frank D. Graham de Princeton, dans une déclaration favorable à ce plan de réserves intégrales, a dit du président Adams qu’il « dénonçait l’émission de billets par des banques privées comme une fraude à l’encontre du public. Il était soutenu sur ce point par toutes les forces conservatrices de son temps. »

En conclusion, pourquoi continuer à pratiquement déléguer aux banques en l’échange de rien, une prérogative du gouvernement ? Cette prérogative est définie comme il suit par la constitution des États-Unis (Article 1, section 8) : « Le congrès aura le pouvoir […] de frapper la monnaie et de réguler la valeur de celle-ci ». On peut pratiquement dire, voire dire avec certitude, que toutes les banques de dépôt sur compte chèque frappent la monnaie et ces banques, dans leur ensemble, régulent, contrôlent ou influencent la valeur de celle-ci.

 

Les défenseurs du système monétaire actuel ne peuvent honnêtement prétendre que sous le joug d’une masse de petits centres d’émission monétaire privés, le système a bien fonctionné. Si cela avait bien fonctionné, nous n’aurions pas vu disparaître 8 milliards de dollars sur 23 de nos comptes chèque. Si nos banquiers veulent continuer à commercialiser la fonction essentielle de l’industrie bancaire, le prêt, ce qu’ils peuvent effectuer mieux que le gouvernement, ils doivent être prêts à abandonner la fonction d’émission monétaire qu’elles ne peuvent effectuer aussi bien que le gouvernement. S’ils arrivent à concevoir cela et pour une fois disent « oui » au lieu de « non » à ce qui semble peut-être pour eux une proposition nouvelle, il n’y aura probablement plus d’opposition importante à ce projet.

 

 

70 - Les dix principales raisons défendues par des économistes de premier plan d’adopter la réforme monétaire à réserves pleines (100%)

 

La réforme 100% est une réforme monétaire, méconnue du grand public, mais défendue par de nombreux économistes dont Tobin, Fisher, Allais ou Ludwig Von Mises et récemment proposée au Parlement britannique. Cette réforme, mineure en apparence, aurait un impact majeur sur le fonctionnement de nos économies. Garantir nos comptes en banque, retirer aux banques leur pouvoir de création monétaire, atténuer la spéculation, réduire notre dette publique...

 

1 - Les comptes-courants seraient garantis contre tout aléa économique. La réforme 100% consiste à imposer aux banques un ratio de réserves de 100% sur les comptes-courants. Les banques n’auraient ni le droit de prêter ni d’investir l’argent déposé sur ce type de compte. Ainsi, même en cas de faillite de votre banque, votre dépôt resterait intact et vous pourriez retrouver la possession de votre argent sans la moindre subvention gouvernementale. Si le gérant de votre parking fait faillite, vous pouvez reprendre possession de votre voiture sans le moindre dommage. Ce serait la même chose pour votre argent sous le système 100%. Votre argent en dépôt serait le vôtre quelle que soit la situation de votre banque. Le système 100% déconnecterait la santé de notre système de paiement et d’échange de celle du système bancaire.

 

2 - L’industrie bancaire serait bien moins risquée. Au sein du système actuel, les banques empruntent aux déposants sur compte-courant à très court-terme, puisque le déposant peut retirer son argent à tout moment. À l’inverse, elle prête à un terme beaucoup plus long, soit en prêtant aux entreprises ou aux particuliers, soit en investissant dans des titres par nature moins liquides que la monnaie. Cette distorsion fait de l’industrie bancaire une activité fondamentalement dangereuse en risque permanent d’illiquidité. Sous le système 100%, la banque pourra prêter (1) son capital, (2) l’argent investi par les particuliers sur compte-épargne. Les comptes-épargne donnant droit à un intérêt seraient légèrement différents de ceux d’aujourd’hui afin de clairement les différencier des comptes-courants. Le retrait sans préavis serait impossible et l’argent investi sur compte-épargne serait bloqué jusqu’à un terme préétabli avec la banque (3 mois, un an ou deux ans par exemple). Ainsi, la banque empruntera à moyen-terme à ses déposants pour prêter à moyen et long-terme à ses débiteurs. La pratique bancaire serait ainsi bien moins risquée.

 

3- Les banques n’auraient plus la possibilité de créer de l’argent. Le pouvoir de création monétaire des banques provient d’une distorsion du mécanisme naturel du prêt. Si vous prêtez votre parapluie à votre voisin, vous n’aurez plus la possibilité de l’utiliser avant qu’il ne vous le rende. Avec les comptes-courants actuels, la banque prête votre argent mais vous y avez accès à tout moment en même temps que la personne à qui votre argent a été prêté. La banque a créé une situation artificielle où il y a en apparence deux parapluies là où il n’y en avait qu’un. Il y a eu duplication monétaire. En acceptant l’argent bancaire en paiement des impôts et en garantissant les comptes-courants, l’État a pour ainsi dire sanctifié le tour de passe-passe par lequel les banques créent de l’argent. Actuellement, les banques créent environ 90% de l’argent en circulation. Entre 1998 et 2008, les banques de la Zone Euro ont créé 3750 milliards d’euros soit 11400€ par habitant. La création monétaire par les banques est admise par les publications de l’ensemble des banques centrales comme l’élément central de la création monétaire. Sous le système 100%, le pouvoir de duplication monétaire des banques disparaît. L’argent déposé à la banque serait soit le vôtre soit celui de la banque, mais pas les deux à la fois comme sous le système actuel. L’argent sur compte-courant resterait bien au chaud dans les coffres de la banque et ne serait ni prêté ni investi. L’argent sur compte-épargne ne vous appartiendrait plus jusqu’au moment où la banque vous rembourserait la somme initialement investie plus intérêts. Les fondements naturels du prêt seraient respectés et le pouvoir de création monétaire des banques disparaîtrait.

 

4 - Les phénomènes de boom spéculatif seraient grandement réduits. Un adage reconnu par la très grande majorité des économistes et l’intégralité des banques centrales dit « les crédits font les dépôts ». À chaque fois qu’une banque prête, elle crée un dépôt de toutes pièces sans que la moindre épargne préalable ne soit nécessaire. Ainsi, en cas de grandes espérances de profit sur un secteur donné, le système bancaire peut quasiment créer autant de crédit que nécessaire pour spéculer sur un nouveau marché attractif, sans pour ainsi dire la moindre limite comme l’ont prouvé les innombrables bulles de crédit des dernières années. En enlevant aux banques leur pouvoir de création monétaire, on leur retire en grande partie leur pouvoir de création de bulle spéculative. Sous le système 100%, les banques ne pourront investir ou prêter que l’argent réellement épargné par leurs déposants, denrée par nature limitée, contrairement à l’actuelle création de toutes pièces de crédits. Le crédit étant limité, les bulles spéculatives ne pourraient pas avoir la même ampleur que sous le système actuel.

 

5 - L’émission de monnaie serait intégralement contrôlée par l’État. Actuellement, les États de la Zone Euro, par le biais de la BCE, ne créent que 10% de l’argent en circulation contre 90% pour les banques privées. Sous le système 100%, le pouvoir de création monétaire serait retiré aux banques et seul l’État aurait le droit de créer de la monnaie. Pour créer de la monnaie, la banque centrale soit rachèterait des titres sur les marchés, soit financerait directement les dépenses de l’État, soit verserait un dividende social à tous les citoyens. L’allocation des fonds créés chaque année pourrait se décider démocratiquement.

 

6 - L’inflation de la masse monétaire pourrait enfin être contrôlée. Sous le système 100%, un simple amendement de la Constitution ou des statuts de la banque centrale pourrait créer un plafond légal afin de limiter la création monétaire. On pourrait imaginer un plafond indexé au taux de croissance prévisionnel pour l’année à venir. On éviterait ainsi tout dérapage de la masse monétaire. Depuis 60 ans, le système actuel a prouvé à maintes reprises son incapacité à juguler la création monétaire par les banques. Le taux de réserves obligatoires, les ratios de capital et les taux directeurs se sont révélés inefficaces pour assurer une masse monétaire stable à notre économie. Par exemple, la masse monétaire a doublé dans la Zone Euro entre 1998 et 2007 soit un taux de croissance de 11% par an alors qu’une gestion monétaire sage aurait demandé un taux autour de 4 ou 5% au vu de la croissance réelle de l’économie. La conséquence de cette folle inflation de monnaie bancaire fut la terrible flambée de tous les actifs et en particulier des actifs immobiliers.

 

7 - Le monopole de l’émission monétaire par l’État permettrait de financer les dépenses publiques à hauteur de 3 ou 5% de PIB par an. L’État pourrait profiter de son nouveau monopole de l’émission monétaire sous le système 100% en finançant ses dépenses et en réduisant ses déficits. Avec de tels revenus, il serait possible de limiter drastiquement les possibilités d’endettement de l’État. Actuellement, la création monétaire peut représenter jusqu’à 9% du PIB de la Zone Euro par an. Avec une inflation modeste, l’État pourrait financer jusqu’à 10% de son budget grâce à l’émission monétaire.

 

8 - Le passage au système 100% réduirait la dette publique de 60 à 80%. Cette affirmation ferait sourire n’importe qui découvrant la réforme 100%. Cependant, en théorie et en actualisant les calculs du prix Nobel Maurice Allais réalisés dans les années 70, tout porte à croire que la réduction de la dette publique se compterait en dizaines de point de PIB lors du passage au système 100%. Actuellement les banques prêtent presque l’intégralité de l’argent déposé sur compte-courant ou assimilable. Si nous passons au système 100%, les banques auraient l’obligation de trouver assez d’argent pour couvrir à 100% les comptes-courants. Or, de tels montants d’argent réel n’existent tout simplement pas. Les banques auraient l’obligation de se tourner vers la banque centrale et de lui vendre des titres (obligations d’État, créances sur des entreprises et des particuliers) contre de l’argent fraîchement créé par la banque centrale. La banque centrale serait alors en possession de façon permanente de milliers de milliards d’euros de titres. L’État se trouverait alors enrichi grâce au transfert de ces titres de la puissance privée vers la puissance publique, réduisant ainsi la dette publique de plusieurs dizaines de point de PIB.

 

9 - Le désendettement des agents publics et privés serait possible sans déflation. Sous le système actuel, « les crédits font les dépôts » mais également « les remboursements de crédit détruisent les dépôts ». Chaque fois qu’un particulier, une entreprise ou un État rembourse une dette, un dépôt est détruit. Ainsi un désendettement massif de tous les acteurs économiques impliquerait presque automatiquement une disparition massive de nos moyens de paiement, entraînant une déflation néfaste voire catastrophique. Cette situation s’est déroulée aux États-Unis dans les années 30, ou encore au Japon dans les années 90. En France, par exemple, un fort désendettement de l’État entraînerait une importante disparition de moyens de paiement si les entreprises et les particuliers ne s’endettent pas lourdement pour contrebalancer le phénomène. Sous le système 100%, la création et la destruction de monnaie seraient totalement déconnectées du crédit bancaire. Ainsi, un désendettement conjoint des ménages, des entreprises et des États serait possible sans disparition des moyens de paiement ni déflation.

 

10 - Le système monétaire serait grandement simplifié et compréhensible par tous. Comprendre correctement le système monétaire actuel fait souvent figure de chemin de croix pour le commun des mortels. Même nos députés, nos ministres, nos haut-fonctionnaires et probablement nos présidents n’en ont qu’une compréhension très limitée (sauf, peut-être, l'ancien employé de la banque Rothschild à l'Élysée depuis le 14 mai 2017 ; mais lui, visiblement, il est plus là pour défendre les intérêts des banquiers que ceux des citoyens …). Plusieurs facteurs expliquent cette complexité. L’existence d’une monnaie créée par l’État (pièces, billets, réserves bancaires) aux cotés d’une monnaie créée par les banques (compte-courant ou assimilable). L’extrême difficulté au sein de la monnaie bancaire de démêler ce qui est de la monnaie de ce qui n’en est pas. Un compte-épargne retirable sans préavis est-il de la monnaie au même titre qu’un compte-courant ? Les ressorts complexes et extrêmement opaques de la création monétaire par les banques. Le rôle difficilement évaluable de la banque centrale par le biais des taux directeurs et l’impact obscur de la réglementation bancaire sur l’émission de monnaie par les banques. Sous le système 100%, tous ces éléments de complexité disparaîtraient. Seule la monnaie créée par l’État subsisterait, les comptes-courants (représentant de l’argent) seraient clairement différenciés des comptes-épargne (ne représentant pas de l’argent) et la banque centrale n’aurait plus qu’à jouer un rôle d’émission monétaire pour les gouvernements. Grâce à cette simplicité, le système monétaire serait compréhensible à tout un chacun et permettrait un contrôle démocratique pour le moment parfaitement impossible au sein du chaos monétaire bancaire.

 



05/03/2018
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