Gesell - Douglas - Créditistes du Canada
IV – La monnaie demain
Les alternatives au système monétaire actuel
« Le problème récurrent au cours des siècles derniers et qui devra être réglé tôt ou tard, c'est celui du conflit qui oppose le Peuple aux banques. » Lord Acton, Lord Chief Justice of England, 1875.
« Je n’ai jamais vu personne ayant pu, avec logique et rationalité, justifier que le gouvernement fédéral emprunte pour utiliser son propre argent... Je pense que le temps viendra où les gens demanderont que cela soit changé. Je pense que le temps viendra dans ce pays où ils viendront nous accuser, vous, moi, et toute personne liée au Congrès, d’être restés assis sans rien faire et d’avoir permis à un système aussi stupide d’être perpétué. » Wright Patman, membre démocrate du Congrès, 1928-1976, président du comité de la Banque et de la Monnaie 1963-1975
« Une autre piste de réforme serait une sorte de séparation des fonctions bancaires. La règle de Volcker est une piste parmi d'autres. Une autre piste, plus fondamentale, serait de séparer le système de paiement des activités risquées de prêt ; c'est-à-dire d'interdire le système bancaire à réserves fractionnaires » (comme proposé par exemple par Fisher en 1936, Friedman en 1960, Tobin en 1987 et plus récemment par Kay en 2009). Discours à New York en octobre 2010 de Mervyn King, gouverneur de la banque d'Angleterre.
Depuis la Grande Dépression*, de nombreuses personnes, économistes professionnels ou non, ont inventé des alternatives à ce système profondément injuste. De l'ingénieur écossais C. H. Douglas à l'économiste américain Irving Fisher en passant par Jacques Duboin – Sous-secrétaire d'État au Trésor dans les années 20 – et notre prix Nobel d'économie Maurice Allais, les solutions de remplacement au système monétaire actuel ne manquent pas. *la crise économique des années 1930 – fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Depression
A – Les alternatives au système à réserves fractionnaires depuis la crise des années 30
52 - Monnaie fondante de Silvio Gesell
La monnaie franche ou monnaie fondante désigne une monnaie qui à l’image des biens de consommation (nourriture, maison, vêtements…) perd de sa valeur au fil du temps. Elle fut conceptualisée au tournant du 19e et du 20e siècle par Silvio Gesell, un commerçant, économiste autodidacte, réformateur monétaire d’après sa propre expérience dans son commerce en Argentine. Elle part du constat que le détenteur de monnaie dispose d’un avantage par rapport aux producteurs de biens et commerçants, car ce premier peut différer dans le temps son achat alors que le producteur et commerçant doit vendre ses produits le plus vite possible pour éviter que ceux-ci ne perdent de leur valeur. Pour lui, l’argent ne devait être qu’un moyen d’échange ayant pour seule couverture la confiance dans le travail et l’activité du peuple. Il soulignait qu’une monnaie qui diminue progressivement de valeur circulerait beaucoup plus vite et serait ainsi plus productive qu’une monnaie permettant la thésaurisation. Des expériences convaincantes ont eu lieu pendant la Grande Dépression notamment à Schwanenkirchen (en Allemagne) en 1930 et à Wörgl (commune autrichienne) en 1931 pour lequel on a parlé de « miracle de Wörgl ». Malgré cela, ces monnaies furent interdites car elles concurrençaient l’État dans son rôle monopolistique d’émetteur de la monnaie. Les économistes académiques, à l’exception d’Irving Fischer, ne prêtèrent que peu d’intérêt à ces expériences inspirées par un économiste atypique et autodidacte. Faut-il en conclure que les économistes préfèrent les théories économiques abstraites sans fondement avec la réalité à des expériences concrètes et réussies. Aujourd’hui, l’économiste Bernard Lietaer est l’un des rares économistes à défendre la monnaie fondante. Il a identifié trois périodes historiques durant lesquelles de telles monnaies étaient en circulation : L’Égypte antique, le Moyen-âge européen du 10e au 13e siècle et suite à la crise de 1929. Ces deux premières périodes historiques ont été marquées par une grande prospérité ; la civilisation égyptienne a perduré pendant 2000 ans, construit des centaines de pyramides en faisant appel à de la main d’œuvre libre ; du 10e au 13e siècle ont été construites de nombreuses cathédrales en Europe. Les artisans des cathédrales disposaient de plus de jours de congés que nous n'en disposons aujourd’hui. - monnaie-locale-complementaire-citoyenne.net/monnaie-fondante-franche
Monnaie fondante de Silvio Gesell → fr.wikipedia.org/wiki/Silvio_Gesell
Silvio Gesell : un prédécesseur de Keynes ? Article de Denis Clerc et de Johannes Finckh publié pour la première fois dans la revue Alternatives économiques d’avril 1998, disponible sur Wikipédia. → fr.wikisource.org/wiki/Silvio_Gesell_:_un_predecesseur_de_Keynes
53 - Le crédit social du Major C. H. Douglas
« Comme plusieurs d'entre vous ici le savent bien, le système monétaire contemporain est purement arbitraire, et la fabrication de l'argent dans le monde ne coûte guère plus que le prix de l'encre et du papier. » C. H. Douglas (Newcastle - Upon Tyne, le 9 mars 1937)
« La taxation est un dividende négatif. Il existe un chemin de traverse, simple et direct, pour passer du système actuel d'un esclavage modifié à un régime de confort, de sécurité et de liberté : abolir le dividende négatif et lui substituer un dividende positif. L'idée d'une redistribution de la dette nationale n'a jamais reçu le moindre encouragement de la part des dirigeants socialistes. Sur le Crédit Social : Au lieu de porter atteinte au capital - ce qui est discuté par beaucoup de personnes - contentons-nous de faire admettre que le crédit est un bien commun et non la seule propriété des banquiers. Distribuons-le à tous les consommateurs de manière que chaque année, les chefs de famille soient crédités d'un pouvoir d'achat additionnel. » C. H. Douglas
Le crédit social est une idéologie économique et un mouvement social qui est apparu au début des années 1920. À l'origine, c'était une théorie économique développée par l'ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas. Le nom « crédit social » dérive de son désir de faire que le but du système monétaire (« crédit ») soit l'amélioration de la société (« social »). L'idée du crédit social, appelé aussi dividende universel, dividende social ou dividende monétaire, consiste à mesurer la croissance de l'économie et de créer la monnaie en proportion de cette croissance et à la distribuer à tous les citoyens de la zone monétaire concernée. Cette méthode est la seule qui permette de créer une véritable monnaie équilibrée selon le prix Nobel d'économie français Maurice Allais. Allais dénonce la création exclusive de monnaie par l'argent-dette, qui crée une pyramide de crédits vouée à s'effondrer cycliquement.
Crédit social - fr.wikipedia.org/wiki/Credit_social
Au début des années 1930, les propositions de C. H. Douglas avaient une portée sociale nationale, sinon universelle. Mettant l'arbitraire de la création monétaire par les banques à l'origine du manque de pouvoir d'achat des populations pauvres, d'ailleurs condamnées au chômage par le machinisme, il fit remarquer que la véritable richesse d'un pays n'est pas celle qu'indique son système financier, mais bien ses possibilités réelles de produire : ses terres, ses mines, ses routes et son savoir-faire. Ce patrimoine étant commun à tous les citoyens d'un pays, il estimait légitime que chacun d'eux en touche régulièrement le dividende, sous la forme d'une somme versée annuellement par un organisme national de crédit émettant pour cela une nouvelle monnaie. Encore appliqué en Alaska, ce principe a valu à tous les habitants de cet État américain, hommes, femmes ou enfants, de recevoir en 2002 un dividende de 1540 dollars gagé sur le pétrole du sous-sol.
C. H. Douglas (1879-1952), ingénieur, étudia à Cambridge, travailla pour Westinghouse, la Royal Air Force et pour des compagnies de chemin de fer à Buenos Aires et à Londres. Alors qu'il travaillait pour la RAF, il remarqua que la somme des coûts dépassait la somme des salaires et des dividendes payés. Cela lui semblait contredire les principes de l'économie ricardienne, qui énonçait le contraire. Douglas rassembla des données pour plus de cent entreprises britanniques et il découvrit que, sauf dans les entreprises allant vers la faillite, la somme des salaires et des dividendes était toujours plus faible que la somme des coûts hebdomadaires. Douglas publia ses résultats dans l'English Review, où il suggéra que le système des intérêts devait être corrigé pour assurer la justice sociale. Son mouvement prit de l'ampleur au Canada et en Nouvelle-Zélande, où plusieurs ligues furent fondées pour propager cette doctrine.
Le site de Janpier Dutrieux est dédié à la promotion d’une économie créditrice, dans le cadre de la pensée fédéraliste. Il propose une réforme financière ayant pour objet de rendre le crédit social et de repenser la distribution des revenus, au service de l’homme, de l’humanité et de leurs corps intermédiaires. - fragments-diffusion.chez-alice.fr
Les ouvriers de la onzième heure. Principes d’une réforme financière et institutionnelle par Janpier Dutrieux (Editions des écrivains associés, 1998) - fragments-diffusion.chez-alice.fr/lesouvriers.html
54 - Les Créditistes du Canada
L'idéologie du crédit social est adoptée par le révérend « Bible Bill » William Aberhart, qui forme le Parti Crédit social de l'Alberta (Social Credit Party of Alberta) en se basant sur les théories de Douglas et les valeurs conservatrices chrétiennes. Il est élu premier ministre de l'Alberta lors de l'élection provinciale de 1935. Son gouvernement a probablement été le seul au monde à adhérer à l'idéologie du crédit social. Il tente d'appliquer les principes de la théorie en émettant des « certificats de prospérité », mais cette initiative est interdite par la Cour suprême du Canada en donnant comme raison que seul le gouvernement du Canada a le droit d'émettre une monnaie. Aberhart meurt dans l'exercice de ses fonctions et est remplacé par Ernest Manning, qui abandonne l'idéologie du crédit social en conservant toutefois le nom « Crédit social ». Le Parti Crédit social de l'Alberta forme neuf gouvernements majoritaires consécutifs sur une période de 36 ans, un des plus longs règnes pour un parti unique dans l'histoire du Canada.
Le Parti Crédit social de la Colombie-Britannique a été au pouvoir pendant plusieurs années dans cette province ; toutefois dans ce cas, il s'agissait en fait d'une coalition de forces de droite et centristes qui ne s'intéressaient pas du tout à la théorie monétaire du crédit social. Le Parti Crédit social du Canada est formé en 1935, s'attirant les électeurs du Parti progressiste-conservateur du Canada et du mouvement United Farmers. Lors de l'élection de 1940, les créditistes se présentent avec les partisans de William Duncan Herridge sous la bannière Nouvelle Démocratie, mais ils reviennent au nom Crédit social dans les élections subséquentes.
Dans les années 1960, l'aile québécoise du parti se détache du parti principal pour former le Ralliement créditiste (RC), aussi appelé Parti créditiste en 1973 et entretient des liens étroits avec le Crédit social, actif sur la scène fédérale, duquel il se distingue par un nationalisme québécois plus affirmé. À l'image du Crédit social, le RC, qui voit le jour en 1970, s'inspire des idées du major C. H. Douglas. Critique à l'endroit du système économique, il privilégie une distribution plus juste, prônant le versement d'un crédit social procurant aux citoyens le « pouvoir d'achat suffisant pour jouir des biens et services produits par l'entreprise capitaliste ». - bilan.usherbrooke.ca/bilan/pagesPartis.jsp?parti=RAC - encyclopediecanadienne.ca/fr/article/creditistes/ . Le parti perd ultimement tous ses sièges parlementaires lors de l'élection de 1980 et tombe ensuite dans l'oubli.
Le crédit social a depuis été soutenu par nombre d'économistes dont le prix Nobel d'économie Maurice Allais qui dénonce une économie basée non pas sur la monnaie réelle, mais la monnaie-dette (création de la monnaie avec du crédit, amenée à disparaître au fur et à mesure du remboursement de celui-ci).
Louis Even (1885-1974), philosophe et religieux canadien, introduit le crédit social au Canada français. Even commence son étude de la question en traduisant le livre d'Anne-Irene Caldwell Money - what is it? sous le titre La Monnaie et ses mystères (1935). Il adhère au mouvement créditiste après avoir lu un texte de James Crate Larkin sur les idées économiques de Clifford Hugh Douglas. Il est convaincu de la justesse du créditisme, il se fait rapidement propagateur de la doctrine et de la philosophie créditiste. Even parlera dans des assemblées à travers l'Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick. L'année 1936 voit la fondation des Cahiers du Crédit Social, une revue qui promeut intensivement le crédit social. Cette revue paraît jusqu'en 1939. À la même époque, Even fonde le journal L'Ile des Naufragés. En 1939, lorsque la guerre éclate, des amis créditistes fondent le journal Vers Demain, qui deviendra l'Institut d'Action politique. En 1941, Philippe Desranleau, évêque de Sherbrooke, accorde sa bénédiction au drapeau de l'organisation, qui est définitivement inspirée par la doctrine sociale de l'Église. Le groupe se fait appeler « les bérets blancs » en raison de l'uniforme distinctif que portent les membres. Even publie son livre Sous le Signe de l'Abondance en 1946. Plus tard, il écrira d'autres ouvrages tels Une finance saine et efficace et Qu’est-ce que le vrai Crédit Social ? Conférencier à la télévision, il fonde aussi en 1953 un journal en langue anglaise appelé Social Credit ; ce journal paraît encore de nos jours sous le nom de Michael journal. L. Even, citoyen français expatrié au Canada, tenta d'implanter le Crédit Social en France et au Brésil dans les années 1960. Un nouveau système financier efficace au service des producteurs et consommateurs - versdemain.org/general/finance_s_e.pdf