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62 – De la monnaie des ''libéraux'' au droit régalien de battre monnaie

 

B – La réforme monnaie pleine ou 100% monnaie

 

La Réforme monétaire à réserves pleines est une révolution monétaire sans en être véritable une, puisqu'il s'agit de donner le contrôle de l'émission monétaire à l'État – ce qui était le cas avant la Révolution Française – mais de le donner à une démocratie et non pas à un monarque absolu. De nombreux économistes de renom ont soutenu ou soutiennent un système 100%. À noter que la plupart d'entre eux ne sont pas "d'affreux gauchistes étatistes et interventionnistes" mais, pour certains, des libéraux convaincus admettant que le secteur privé n'a pas son mot à dire dans la régulation de l'émission de monnaie. Dans cette section sont expliqués tous les aspects de cette réforme. Il y a forcément des redites entre le résumé du texte de Fischer et l'explication de la réforme proposée par l'association Fraternité Citoyenne, mais elles sont utiles afin d'intégrer parfaitement cette réforme si ''capital''. Le Quantitative Easing (QE) est également expliqué pour comprendre que cette solution adoptée dans le cadre du système monétaire actuel afin de résoudre la crise financière de 2008, n'est rien de plus qu'une astuce comptable aux bilans des banques centrales et commerciales.

 

 

62 – De la monnaie des ''libéraux'' au droit régalien de battre monnaie

 

On le sait, la science économique n'a rien d'une science et les grandes théories sur la monnaie se contredisent. Jean-Marie Harribey (universitaire à Bordeaux IV) explique que les deux conceptions, classique et néoclassique qui sont à la base du libéralisme, ont une position commune sur la monnaie. Elle est fondée sur quatre idées : 1/ la monnaie, simple intermédiaire, ne fait que dissimuler le fait que ce sont toujours des marchandises qui s'échangent entre elles.

 

2/ Toute variation de la quantité de monnaie en circulation entraîne une variation proportionnelle de tous les prix. Ce credo du monétarisme, qui est la base de la théorie quantitative de la monnaie, repose lui-même sur trois hypothèses : a) la vitesse de circulation de la monnaie est constante, b) le volume des transactions est constant et c) l'équilibre du marché assure le plein emploi de toutes les capacités de production (donc il n'y a pas de chômage). Il n'est pas nécessaire d'être un économiste diplômé pour constater à quel point ces hypothèses sont peu réalistes.

 

3/ Par conséquent, toute variation de la masse monétaire n'a aucune influence sur la production ou sur l'emploi, elle est donc dite neutre par rapport à l'activité économique réelle. Ce qui n'a pas empêché l'économiste néolibéral Milton Friedman d'en tirer une conclusion paradoxale mais qui fait loi depuis le traité de Maastricht sur la BCE : bien que la variation de la masse monétaire soit sans effet sur l'économie, la politique monétaire doit consister à limiter l'émission, parce que celle-ci risque d'entraîner l'inflation…

 

Les exemples du rôle de la monnaie sur l'économie ne manquent pas. Entre 1994 et 1999, dix pays en voie de développement connurent au moins une crise financière de grande ampleur. De tels “accidents”, qui mirent leurs banques en faillite, annulèrent les gains économiques accumulés au cours de plusieurs années de réformes douloureuses et provoquèrent souvent de graves troubles sociaux. Le cas de la crise argentine en décembre 2001 est peut-être le plus éloquent sur les méfaits de ces dogmes imposant des préceptes, ceux du consensus de Washington, sur la discipline fiscale, les taux de change compétitifs etc., malgré l'évidence du désastre de leurs conséquences.

 

Remarquons que l'affirmation de la neutralité de la monnaie vis-à-vis de l'économie a d'autant plus de chances d'être crue par le public qu'au contraire des transactions simples (achats et ventes par des particuliers) qui sont faciles à identifier, les vastes mouvements monétaires qui font vraiment bouger les marchés, sont des transactions complexes effectuées sur ordinateur et élaborées dans le secret des tours d'ivoire des sociétés financières et autres fonds spéculatifs. Elles ne sont accessibles qu'aux initiés du “monde souterrain de la finance”, lequel s'ingénie à les rendre secrètes.

 

4/ Autre conséquence du fait que tout échange n'est, sous le voile de la monnaie, qu'échange entre marchandises, la loi des débouchés de J-B Say selon laquelle «tout offre de marchandise crée sa propre demande». Autrement dit, le montant des revenus distribués par la production est équivalent à la valeur de cette production et l'équilibre général de tous les marchés, affirmé par Léon Walras, se rétablit automatiquement par la flexibilité des prix. Cette loi des débouchés a été critiquée, par exemple par Jacques Duboin : «la loi des débouchés se résume simplement dans la constatation que les produits achètent les produits ou, pour mieux dire, que les marchandises se servent mutuellement de débouchés. Mais J-B Say en tire cette conséquence imprévue, à savoir que la surproduction ne peut exister que dans une partie seulement de l'économie, et qu'il est facile d'y porter remède en augmentant la production dans les autres secteurs afin que les articles surproduits trouvent immédiatement un débouché. D'où il conclut que la crainte d'un engorgement général des marchés est pure chimère. En foi de quoi il faut toujours produire davantage, ce qui est le vrai moyen d'en terminer avec ce qu'on appelle improprement les crises économiques, car il ne s'en produira jamais si l'on sacrifie au dieu de la “productivité”. Ce refrain est entonné aujourd'hui par tous les libéraux impénitents, car la loi des débouchés garantit non seulement l'éternité au régime capitaliste, mais l'amélioration progressive de la condition de tous les êtres humains. Il n'y a qu'à produire davantage»…

 

En effet, cette façon de voir écarte d'office certains problèmes majeurs : d'abord la misère, qui est le lot de tous ceux qui, n'ayant accès à aucun pouvoir d'achat sont écartés du marché, ensuite les retombées du productivisme, qui dans cette idéologie apparaît comme la panacée, et enfin les conséquences de la croissance, supposée sans dégâts et sans limites. C'est sur ces dogmes qu'ont été fondées les institutions européennes …

 

On a vu que lorsque des orfèvres signèrent plus de reçus qu'ils n'avaient d'or dans leurs caves, leur seule limite fut… la peur que leurs clients s'aperçoivent qu'ils avaient exagéré. Méthode peu efficace, puisque plusieurs paniques ont marqué l'Histoire. On se souvient aussi que lorsque trop de banquiers ont suivi l'exemple des orfèvres, c'est parce qu'ils se sont aperçus que cela leur faisait du tort que certains d'entre eux ont intrigué pour en obtenir le monopole. Et l'histoire des Banques centrales montre que c'est encore pour éviter des abus, des paniques ou des faillites qu'elles ont reçu un certain pouvoir, non pour fixer une limite à la masse monétaire, mais seulement pour tenter, par l’intermédiaire de leurs taux d’escompte, d'accélérer ou de ralentir la croissance de cette masse, espérant que ces variations auraient, à terme, une influence sur l'économie. Et depuis que ces taux n'obéissent plus qu’aux marchés, on ne compte plus le nombre de pays ruinés par des crises monétaires.

 

On voit bien que le pouvoir politique ne doit pas se contenter d'imaginer des digues pour éviter des abus ou en colmater les conséquences. Il lui appartient de déterminer la masse monétaire nécessaire à l'économie. Ce n'est pas sans raison que le “droit de battre monnaie” était, par excellence, une des prérogatives du souverain et qu'il ait fait partie, sous la monarchie, des “droits régaliens”, avec ceux de lever l'impôt, de commander la police et l'armée, de rendre la justice, de déclarer une guerre ou d'en signer la fin. Pourquoi l'un de ces droits du Prince a-t-il fait exception quand le peuple a conquis la souveraineté ? On ne comprend pas que les démocraties aient abandonné à quelques nouveaux privilégiés l'un de ces droits essentiels qui décident de la vie d'une nation. Le droit de créer monnaie est trop important pour qu'il puisse être dissocié des autres attributs qui permettent de décider pour tous en leur nom. Il doit être réintégré au pouvoir politique parce qu'une société évoluée, telle qu'on peut la concevoir au 21e siècle, doit être en mesure de décider des besoins qu'elle va satisfaire, en fonction des moyens dont elle peut disposer, en respectant les droits des êtres humains, vivants et à venir. Dans une telle perspective, le choix si essentiel de l'orientation générale de l'économie est une décision politique fondamentale qui ne peut donc pas être abandonnée à des intérêts privés.

 

À l'évidence, la monnaie immatérielle correspond à l'état actuel de la technologie, la monnaie-marchandise appartient au passé. Il serait donc absurde de vouloir refuser la monnaie virtuelle en rêvant au retour des louis d'or. L'informatique existe, elle est pratique, admettons donc que la monnaie de demain sera sous forme scripturale, comme elle l'est presque totalement aujourd'hui. Mais il faut prendre conscience du danger que présente cette forme moderne de la monnaie du seul fait qu'elle est naturellement, matériellement, illimitée. Sa création est si facile qu'avoir abandonné le droit de créer la monnaie à des entreprises privées ayant leur propre intérêt pour objectif, apparaît comme une véritable aberration, source évidente de multiples abus aux conséquences imprévisibles et incalculables.

 

Aujourd'hui, la société est au service de la finance, qui dicte sa politique aux gouvernements. Remettre aux pouvoirs publics la responsabilité de toute création monétaire, c'est renverser les rôles : les choix économiques deviennent alors des choix politiques et la finance leur est subordonnée. Mais ceci ne suffit pas. Dans une vraie démocratie, confier l'économie au pouvoir politique serait la confier au peuple, mais toute société, même au XXIe siècle, n'est pas assurée d'être démocratique et de le rester. Pour remettre l'économie au service de tous et l’y maintenir, il faut des règles qui empêchent tout abus de la part des responsables du pouvoir d'émission, et pour cela, imposer à la masse monétaire une limite concrète, objective.

 



05/03/2018
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