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63 - Quantitative Easing / 76 - Quantitative Easing for people (QE4P) et Revenu d'Existence (RE)

63 - Quantitative Easing

 

Le Quantitative Easing (QE) – en français, assouplissement quantitatif – désigne un type de politique monétaire dit « non conventionnel » consistant pour une Banque Centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers, notamment des bons du trésor ou des obligations d'entreprise, et dans certaines circonstances des titres adossés à des actifs comme des titres hypothécaires.

 

Les banques centrales ont recours à ce genre de pratique dans des circonstances économiques exceptionnelles, telles que des crises économiques et financières de grande ampleur. Plus particulièrement, le QE est utilisé dans une situation de trappe à liquidités, c'est-à-dire lorsque les taux directeurs sont déjà très bas et ne parviennent plus à assurer une hausse des prix suffisante. Donc, avec une inflation qui stagne, voire qui diminue, les outils traditionnels se révèlent inefficaces. Dans cette situation, une baisse supplémentaire des taux a peu de chance d'être efficace, car les opportunités d'investissement sont trop peu nombreuses (avec les taux bas, les rendements sont également à la baisse). Le QE vise à inciter les banques à faire plus facilement crédit - la banque centrale assumant les risques en leur rachetant leurs créances douteuses - pour relancer ainsi la production et l'emploi. Le QE accroît ainsi la quantité de monnaie en circulation, ce qui a pour effet, en théorie, de relancer l'économie et de maintenir l'inflation à un niveau correct afin d'éviter tout risque de déflation.

 

Bien que le rachat de titres soit une pratique courante pour les marchés (via les opérations d'open market), le caractère non conventionnel du QE tient à la taille et à la durée du programme. Dans le cadre d'un programme de QE, la banque centrale s'engage à racheter un volume massif d'actifs financiers, et ceci pour une durée de plusieurs années. L'effet d'annonce joue donc également un rôle important dans le fonctionnement de cette politique. Le QE se traduit par un gonflement du bilan de la banque centrale - son actif augmentant avec les titres achetés, la monnaie utilisée pour le faire - qu'elle crée ex nihilo - se rajoutant à son passif.

 

Le QE est utilisé par les banques centrales lorsqu'elles n'arrivent pas à accomplir leur principale mission (pour la BCE en particulier) : le maintien d'un taux d'inflation proche de 2% (stabilité monétaire). Cette situation reflète les limites des instruments monétaires conventionnels et leur incapacité à relancer la demande de crédits, même avec des taux directeurs proches de 0%.

 

Sans hausse du crédit bancaire, l'activité économique stagne, ainsi que l'inflation. Avec le QE, la banque centrale cherche donc à augmenter la quantité de monnaie en circulation afin d'inciter le secteur bancaire à prêter davantage dans l'économie. L'assouplissement quantitatif est une forme de création monétaire, mais ciblée vers les marchés financiers.

 

La banque centrale achète ces titres à divers investisseurs, créant un surcroît de demande pour ces titres et entraînant donc leur renchérissement. S'agissant d'obligations, si leur prix monte, leur rendement va baisser ce qui va inciter les investisseurs à rechercher d'autres placements plus rémunérateurs. Une banque commerciale peut ainsi trouver plus avantageux de prêter à des entreprises ou à des particuliers que d'acheter des obligations d'État ou des bons du Trésor. Ce faisant, les investisseurs participent à la relance de l'économie, ce qui est le but recherché. C'est comme si la banque centrale cherchait à évincer les autres intervenants du marché obligataire pour les obliger à financer les porteurs de projet d'entreprise.

 

Les mesures non conventionnelles adoptées par la Banque du Japon entre 2001 et 2006 suite à la "Décennie perdue" des années 1990, constitue le premier exemple de mise en place d'une politique d'assouplissement quantitatif à grande échelle. Plus tard, durant la crise financière de 2008-2011, des politiques d'assouplissement quantitatif ont été mises en place sous différentes formes et à grande échelle par la Fed, la BCE, la Banque d'Angleterre et à nouveau par la Banque du Japon.

 

En novembre 2010, la Fed a décidé d'acquérir des titres détenus par des institutions financières américaines à hauteur de 600 milliards USD dans le but de favoriser l'accroissement de l'activité économique américaine. La politique d'assouplissement quantitatif de la Fed a apparemment évité à la crise de la dette de provoquer une déflation et plus directement un blocage total du marché interbancaire. En effet, à l'instant critique, le crédit interbancaire menaçait d’être gelé : c'est-à-dire que les banques ne se prêtaient plus entre elles. L'afflux brusque de liquidités a été une bouffée d'air pour le système bancaire au bord de la suffocation.

 

Néanmoins, cette politique d'assouplissement quantitatif fait passer le bilan de la Fed de 800 milliards de dollars à plus de 4000 milliards. Par ce processus, la Fed est devenue une sorte de « bad bank » qui concentre du papier ayant une valeur très douteuse ! Toutefois, à la différence des autres banques, elle ne peut défaillir - être en banqueroute - puisqu'elle peut émettre toute la monnaie qu'elle veut, les autres agents économiques étant obligés "par la loi" de l'accepter puisqu'elle émet la "monnaie souveraine". Le programme de QE de la Fed a été renouvelé par deux fois (on parle de QE1, QE2, et QE3).

 

En zone euro, le QE de la BCE a débuté en mai 2009, date à partir de laquelle la BCE a commencé à acheter des obligations sécurisées libellées en euros et émises dans la zone euro, pour un montant total de 60 milliards d’euros sur une période de douze mois. Dans le contexte de crise de la dette dans la zone euro, de nombreuses voix ont préconisé l'utilisation d'une dose d'assouplissement quantitatif, en particulier pour contrer la spéculation sur les taux des obligations finançant les dettes souveraines. La BCE annonce le lancement d'un programme de QE le 22 janvier 2015, alors que la menace d'une déflation se fait de plus en plus précise. Ce retard est notamment lié au cadre juridique européen qui interdit à la BCE de faire usage du financement monétaire (acheter des dettes publiques). Pour contourner cette interdiction, la BCE ne rachète de la dette publique que sur les marchés secondaires.

 

Le programme d'acquisition de titres commence le 9 mars 2015, pour un montant de 60 milliards d'euros par mois et pour une durée prévue de 18 mois (jusqu'en septembre 2016). En réalité, ce programme* inclut en partie des programmes déjà existants tels que le programme de rachat de "titres adossés à des actifs" qui était opérationnel depuis 2014 déjà. *La BCE annonce un programme étendu d'achats d'actifs. Communiqué de presse du 22 janvier 2015 - banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Eurosysteme_et_international/cp-bce-la-bce-annonce-un-programme-etendu-d-achats-d-actifs.pdf

 

Les achats doivent être répartis au prorata de la clé de répartition de capital de chaque banque centrale nationale. Depuis, la BCE s'interdit de racheter les dettes publiques dont la notation financière est trop mauvaise, excluant jusqu'ici la Grèce et Chypre du programme. Par ailleurs, la BCE ne peut détenir plus d'un tiers de la dette publique d'un État. Enfin, le risque de défaut d'un titre sera supporté à 20% par la BCE et à 80% par les banques centrales nationales. En cas de défaut, la BCE sera à égalité avec les créanciers privés.

 

En décembre 2015, la BCE annonce le prolongement du programme de 6 mois supplémentaires. Puis en mars 2016, la BCE annonce un renforcement de son programme de QE, augmentant son volume à 80 milliards d'euros par mois, et en élargissant le panier des actifs éligibles pour intégrer notamment des obligations d'entreprises (corporate bonds). De ce fait, le programme bénéficie depuis à des grandes entreprises telles que Total, Danone et Volkswagen.

 

Plus largement, la théorie du Quantitative Easing se fonde sur l'activation de différents leviers ou canaux de transmission : le crédit bancaire (selon le processus décrit ci-dessus) ; le rééquilibrage de portefeuille (l'abondance de liquidités permet de diversifier son portefeuille d'actifs, lesquels voient leur prix monter, ce qui crée un effet de richesse) ; le taux de change (dépréciation de la monnaie due à l'expansion monétaire mais aussi aux achats accrus d'actifs étrangers, ce qui facilite les exportations) ; effet de signal (la banque centrale envoie aux marchés le signal que sa politique est et restera "accommodante", c'est-à-dire que les taux directeurs resteront bas sur une longue période, ce qui est favorable aux échanges) : effet de richesse (résultant du rééquilibrage de portefeuille) ; effet de liquidité (injection rapide de liquidités dans le système financier) ; canal du défaut (le QE permet en principe de faire baisser les taux publics, ce qui diminue la charge des intérêts à rembourser pour les États et leur permet de disposer de plus de ressources fiscales. Le fait aussi que la banque centrale soit prêteur en dernier ressort apporte plus de sérénité sur le marché de la dette et évite des situations d'emballement préjudiciables).

 

Pour résumer, le QE c'est quand les "Agents Non-Bancaires" (ANB = tout sauf les banques : les particuliers, les entreprises, les associations, les collectivités …) commencent à faire faillite et ne peuvent plus payer leurs crédits en cours. Comprenons bien que ces crédits sont en réalité de la monnaie circulante louée par les ANB auprès des banques, c'est-à-dire créé ex-nihilo, et le loyer que payent les ANB aux banques sur cette monnaie qui a été créée par les banques sans aucun travail préalable, c’est “l’intérêt”. La garantie de cette monnaie, c’est le travail futur des ANB. À ce moment-là, les bilans des banques, qui comportent d'un côté ces crédits signés par les ANB, et de l'autre la monnaie qui circule partout dans l'économie, sont déséquilibrés : du côté “crédits”, les gens ne peuvent plus payer, donc la valeur des crédits diminue dans le bilan des banques (on les appelle alors des "créances douteuses" ou encore "Non Performing Loans" ou NPL), et les banques se retrouvent en risque de faillite aussi !

 

En clair, le QE a été inventé pour sauver les banques. Le QE de la BCE (60 à 80 milliards par mois émis en 2015 et en 2016, à coût nul et sans le moindre travail) a permis de racheter aux banques de la zone euro leurs créances douteuses et d'éviter une faillite générale du système bancaire. La BCE a payé les banques par création pure de monnaie centrale ; forcément, elle ne sait faire que ça ! C'est une opération qui ne coûte absolument rien, et qui permet aux banques commerciales de rétablir l'équilibre comptable entre les crédits qu'elles ont émis et qui ne valent plus rien, et la monnaie qu'elles ont créée pour l'économie réelle. Les crédits impayés des banques commerciales sont ainsi remplacés par de la monnaie centrale toute neuve, et les crédits impayés sont rachetés par la Banque Centrale. La Banque centrale garde indéfiniment ces crédits impayés même s'ils ne valent plus rien. Les banques commerciales ont de la belle monnaie centrale garantie par la Banque Centrale et très solide pour leur bilan. Bref, vous l'avez compris, le QE est, de fait, une simple astuce comptable.

 

Grâce au QE : 1. les banques commerciales sont sauvées. 2. les endettés qui ont des crédits en cours qu'ils ne peuvent plus payer se font saisir leurs biens. À moins que, comme en Grèce, ils acceptent de se ré-endetter juste pour continuer à payer les intérêts ! 3. les banques commerciales, qui ne savent pas quoi faire de toute cette monnaie centrale qu'elles ne peuvent pas ''prêter'' à l'économie réelle – tout simplement afin de ne pas se retrouver avec d'autres "créances douteuses", achètent pour elles-mêmes des actions, des obligations, etc, ce qui permet de faire monter la bourse et de faire croire que tout va bien !

 

76 - Quantitative Easing for people (QE4P) et Revenu d'Existence (RE)

 

Le journaliste économique Anatole Kaletsky critique quant à lui le fait que les politiques monétaires d'assouplissement quantitatif n'ont pas d'effet sur l'économie réelle, car les banques ne prêtent pas automatiquement davantage dans l'économie. Il suggère des politiques d'assouplissement quantitatives qui iraient plus directement vers l'économie réelle, par exemple en distribuant directement de l'argent aux citoyens.

 

Une étude de la BCE révèle la faille de la stratégie du quantitative easing – qe4people.fr/2017/06/05/etude-bce-faille-quantitative-easing

Pourquoi le QE de la BCE ne marche pas par Gabriel Galand - chomage-et-monnaie.org/2016/01/17/pourquoi-le-qe-de-la-bce-ne-marche-pas

 

Cette idée sera reprise en novembre 2015 avec la campagne européenne ''Quantitative Easing pour le Peuple''. Le QE4people – qe4people.fr – propose, en guise d'alternative au QE de la BCE, d'injecter directement la monnaie dans l'économie sous la forme d'un dividende citoyen (ou Helicopter money) ; ou par le financement d'investissements publics. La campagne est notamment soutenue par une centaine d'économistes dont l'inventeur même du QE, Richard Werner, ainsi que trois députés européens.

 

Mais de façon générale, il n’est plus question de défendre des politiques économiques de croissance dès lors que l’on sait que cette politique n’a qu’un seul but : celui de maintenir le système monétaire à réserves fractionnaires. Il est urgent de défendre un modèle global de décroissance écologique et de rejeter les fluctuations d'un productivisme sous prétexte qu'il n'est pas toujours orienté à la hausse, afin de maintenir le système monétaire à réserves fractionnaires. Pour sortir de l’absurdité de la croissance, il faut d'abord une meilleure répartition de la richesse. L'important est de voir qu'on ne peut raisonner que dans le cadre d'une politique cohérente, globale.

 

Aucune mesure ne suffit en elle-même, il faut que le résultat global soit assuré par une cohérence qui peut donner du sens : une amélioration globale de la qualité de la vie par une meilleure gestion de nos ressources. Dès lors que l'on prend conscience des dégâts environnementaux et sociaux induits par le système monétaire actuel et son corollaire : le capitalisme, une stratégie de passage d'un état de l'économie à un autre moins productiviste et plus durable devient évidente. Le Revenu d'Existence (RE) pourrait être la première marque d'une économie moins productiviste que le salariat, retrouvant la dimension humaine et la dignité du citoyen. On ne peut raisonner comme si on pouvait instituer le revenu d'existence sans changer profondément tout le reste. Ce n'est pas une mesure isolée d'aide sociale, c'est l'affirmation de notre communauté humaine et de notre volonté commune de sortir d’un système caduque : la dictature de la sphère financière sur la vie de la cité. ? Le capitalisme a un problème, l'argent gratuit est-il la solution ? - revenudebase.info/2018/01/24/capitalisme-a-probleme-largent-gratuit-solution/

 



05/03/2018
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