mouvement-monnaie-juste

mouvement-monnaie-juste

Réappropriation par le pouvoir politique de la capacité de battre monnaie

Pour ne pas perdre cette page lorsque vous cliquez sur un lien:

survolez le lien, faites un clic droit et choisir une option

 

 

73 - Réappropriation par le pouvoir politique de la capacité de battre monnaie

 

Nous sommes trahis par nos « experts », économistes et universitaires qui s’accommodent d’un système complexe et obscur aux finalités inavouables. On constate tout d’abord que si la monnaie existe, c’est parce que des humains l’ont créée ! La fonction de créer la monnaie s’appelle la création monétaire, c’est le terme consacré. Comme nous l'avons vu, un simple jeu d’écriture suffit à créer la monnaie. Posons nous maintenant une question laissée dans l’ombre, mais fondamentale pour toute société humaine : Qui doit créer la monnaie ? Si la monnaie est créée par un organisme public comme la BdF ou la BCE, la monnaie est propriété publique, la société civile est bénéficiaire directe de l’émission, ce qui est justifié puisque c’est elle qui est à l’origine de toutes les richesses disponibles sur le marché. Si la monnaie est créée par un organisme privé comme une banque commerciale, la monnaie devient propriété des actionnaires, elle est alors prêtée à la société civile qui verse en retour des intérêts considérables aux actionnaires. Comme un défi au bon sens et à la faveur de l’obscurantisme ambiant, c’est ce dernier scénario qui nous est imposé. Pour en finir avec l’escroquerie monétaire, il faudrait rendre sa fonction d’émetteur à la BdF. En abandonnant leur droit de produire la monnaie, les peuples se sont asservis aux banques.

 

Pour résumer la situation, la totalité de la monnaie existante sur Terre – la masse monétaire (monnaie papier + DAV = M1) – est inférieure au montant de la totalité des dettes. Or pour rembourser ces dettes, nous faisons des emprunts (avec taux d'intérêts) : nous ne faisons qu'accroître l'écart entre nos capacités réelles de remboursement et nos dettes. Sur Terre aujourd'hui, il y a l'immense majorité de ceux qui produisent toutes les richesses par leur travail et l'infime minorité des banquiers qui produit tout l'argent par jeux d'écriture. Pour consommer ce qu'elle produit, l'immense majorité emprunte tout l'argent à l'infime minorité. Mais l'immense majorité n'a pas compris un problème pourtant bien simple. C'est que si on s'endette éternellement, les taux d'intérêt s'accumulent éternellement et tout finit par appartenir aux banquiers ! C'est aussi bête que ça ! À un point que ce n'est pas croyable. Et parce que ce n'est pas croyable, la fête continue pour l'infime minorité. À moins qu'un jour, dans un éclair de lucidité, l'immense majorité ne réalise que parce qu'elle produit toutes les richesses, c'est à elle de produire tout l'argent par un simple jeu d'écriture… l’heure n’est plus de constater et de déplorer, mais de comprendre et d’agir.

 

Pour les laudateurs du capitalisme, les seigneurs de la finance transnationale, la monnaie-crédit est l'outil pour mobiliser et exploiter l’énergie humaine. L’iniquité, l’injustice, la pauvreté, la corruption et la dévastation de l’environnement naturel et social ont pour origine une cupidité soigneusement camouflée : la création monétaire par ce système absurde. Le pouvoir politique a remis aux banques son devoir de créer l’argent de la nation. Une élite bancaire internationale détient le pouvoir suprême de création monétaire. Cela lui donne le contrôle des destinées des nations et de l’économie mondiale. En fait, tous nos problèmes viennent de là. C’est parce que l’argent est prêté avec intérêt et avec pour seul objectif de faire des profits que nous observons l’absurdité d’investissement dans des technologies « gadget », alors que des besoins de base ne sont pas satisfaits.

 

L'argent scriptural ou électronique est une bonne invention et il ne s'agit pas de les remettre en cause, mais au lieu d'avoir pour origine la plume (le clavier !) du banquier à l'état de dette, ils doivent naître sous la plume d'un organisme national à l'état d'argent serviteur. Pour qu'un gouvernement soit vraiment souverain, il faut qu'il reprenne son droit de créer une monnaie libre de dette. Le contrôle de la masse monétaire en circulation et donc la création de l'argent nécessaire aux activités bénéfiques est le droit régalien du pouvoir politique issu du débat démocratique. La capacité de battre monnaie sur un territoire et donc la création de la confiance dans l’échange est le premier devoir de tout gouvernement souverain. Pourquoi le gouvernement devrait-il payer de l’intérêt à un système bancaire privé pour l’usage de sa propre monnaie qu’il peut émettre lui-même sans intérêt et sans dette ?

 

Le fait que le gouvernement ait abandonné cette fonction aux banques privées est donc une trahison. Le gouvernement se refuse à lui-même un privilège qu’il a accordé aux banques par la loi, il se fait le serviteur des banquiers et méprise le peuple. L’objectif des banques privées n’est pas d’émettre l’argent en fonction des besoins de la population, mais de faire le plus de profits possibles, et d’amener gouvernements, collectivités locales, entreprises et individus à s’endetter.

 

L’oligarchie financière internationale, gonflée d’arrogance et de certitudes sur la validité de son idéologie et surtout par leur privilège exorbitant, a évidemment, tout fait pour créer la BCE, car c’est le meilleur moyen pour eux, d’empêcher tout gouvernement national de recouvrer sa capacité de battre monnaie.

 

Ce tour de passe-passe, cette escroquerie monumentale du cartel bancaire international doit cesser. Saint-Louis, roi de France, disait que : « Le premier devoir d’un roi est de frapper l’argent lorsqu’il en manque pour la bonne vie économique de ses sujets ». La pièce d’or frappée par le souverain local, puis le billet à ordre émis par les Templiers, puis par les Lombards, ont permis l’ouverture des cultures locales, des marchés locaux à la région, à la nation et puis finalement aux échanges internationaux. La fonction sociale de l’aristocratie était de garantir l’ordre et la sécurité sur un territoire donné. Le garant de la confiance dans l’échange était le monarque.

 

Le système monétaire actuel débouche sur la concentration du capital, l’exploitation, la misère qui côtoie le gâchis et toutes les absurdités du monde moderne. Les professionnels de l’argent vivent comme des parasites au détriment de ceux qui les nourrissent. Il nous faut donc éduquer ces ignares, renseigner ces niais, leur faire comprendre que nous ne sommes plus dupes et que nous en avons assez d’être exploités.

 

Ce système à la recherche de toujours plus de profit préfère développer des technologies gadgets alors que les deux tiers de l’Humanité ont des problèmes de nutrition, de santé et d’éducation. Nous investissons de grandes quantités d’énergie humaine pour satisfaire l’avidité insatiable de quelques groupes de personnes. Le scandale évidemment, c’est de payer un loyer (un intérêt) sur cette monnaie qui est créée ex-nihilo. Et c’est aussi de cette logique de rendement de l’argent prêté que tous nos problèmes découlent. Lorsque l’on détruit des denrées agricoles pour garder un prix surfait, cela ne profite ni aux producteurs ni aux consommateurs mais uniquement aux spéculateurs. Quand tout va trop bien, on organise une bonne guerre pour tout détruire et ensuite on prête de l’argent afin de tout reconstruire. Le problème, c’est que l’on est persuadé que cela a toujours été ainsi et que cela ne peut pas changer.

 

Que nous ayons encore besoin d’un symbole qui représente notre mérite accumulé, soit ! Car on peut imaginer, comme dans l'hypothèse proposée dans le chapitre 57, une société sans monnaie. Mais admettons que nous ne puissions pas l'imaginer pour le moment. Ce symbole n’a évidemment pas besoin d’avoir une contrepartie en métal précieux. Ce qui est important, c’est que cette monnaie soit stable et acceptée par tous. Une monnaie qui ne rapporte aucun intérêt, qui soit étalonnée sur le temps de travail humain standard (par exemple, un nouveau Franc définit comme suit : 10 unités monétaires = une heure au SMIC – smic-horaire.com, soit, environ 1 € aujourd'hui en France) et qui soit contrôlée par le pouvoir politique.

 

La seule richesse d’une société, d’une communauté, outres les richesses naturelles du sol et du sous-sol du territoire où cette communauté est installée, est sa capacité à mobiliser, à organiser le travail, l’activité productrice. La monnaie est un outil extraordinaire pour mobiliser l’énergie humaine. Au cours de l’histoire de l’humanité, comme un âne qui avance avec des coups de bâton ou grâce à une carotte, le travail manuel, l’imagination, le génie ont été canalisés, organisés, mobilisés ; soit par la force, la contrainte ; soit par la croyance, la foi. Les guerriers vainqueurs font travailler les vaincus, c’est l’esclavage. Certains peuvent promettre une vie au paradis contre la construction d’une cathédrale. Combien de monuments, de temples ont été construits pour des raisons religieuses ? Toutes les sociétés non-occidentales ou vernaculaires sont organisées sur des valeurs communautaires et spirituelles qui s’opposent aux valeurs matérialistes et individualistes de l’Occident. Une des raisons de cette « dérive » de l’Occident est due à l’intégrisme catholique de la fin du Moyen-âge – l’Inquisition. Après une structure sociale collectiviste, hiérarchique et coercitive, le bien-être collectif ne pouvait découler que de l’addition des intérêts individuels et égoïstes. Ainsi est né le postulat de base du capitalisme affirmé par Adam Smith dans Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (texte intégral : jutier.net/…asmith1.htm) en 1776.

 

Durant les « 30 glorieuses » selon Fourastié (économiste à OECE dans les années 50) ou les « 30 désastreuses » selon René Dumont (initiateur du mouvement écologiste en France) – jutier.net/…redumont.htm, la forte croissance de l’après guerre a nourri les espoirs les plus ambitieux d’un progrès et d’une croissance infinis. Pourtant, dès les années 50, des voix s’élevaient pour mettre en garde contre un retour aux crises cycliques de surproduction. Entre 1950 et 1973, le taux de croissance sera de 4,3 % dans l’ensemble des pays de l’OCDE soit une production multipliée par 3 en 25 ans. Ensuite commenceront les 30 médiocres (1974-2003).

 

Le revirement libéral commencera avec la nomination de Paul Volcker en 1979 à la tête de la Fed, qui marque l’arrivée des monétaristes à la tête de cette institution. La véritable rupture d’avec les pratiques d’inspiration keynésienne date du sommet des chefs d’États à Tokyo en juillet 1979. Les 2 piliers de cette rupture néolibérale sont le contrôle de la croissance de la masse monétaire et la réduction des dépenses publiques. La politique budgétaire devient par principe, monétariste oblige, subordonnée à la politique monétaire. Les années 80 sont marquées par la totale liberté de mouvement des capitaux entre les pays, ce qui entraîne une spéculation effrénée et des taux de change aux mouvements erratiques. D’énormes masses monétaires sont en quête d’un bon taux d’intérêt ou d’un bon cours de la devise d’un pays. Ce sera aussi le temps de nombreuses « innovations » en termes de produits et de techniques financières. L'amélioration des moyens informatiques aussi bien matériel – la vitesse de CPU ainsi que les capacités de mémoire vive et des disques durs – que logiciel – le trading algorithmique*, ont permis tous les délires que nous constatons sur la "planète finance" aujourd'hui.

*Algorithmic trading – en.wikipedia.org/…trading / automated trading system (ATS) – en.wikipedia.org/…system / trading haute fréquence ou HFT, de l'anglais high-frequency trading – fr.wikipedia.org/…frequence

 

Du Traité de Maastricht découle le « Pacte de stabilité et de croissance ». C’est un ensemble d’engagements et de mesures visant à discipliner les politiques budgétaires des États-membres de l’UE, afin d’en assurer la compatibilité avec la politique monétaire unique qui a été mise en œuvre à partir du démarrage effectif de l’Union économique et monétaire le 1er janvier 1999. Formellement, ce Pacte est constitué d’une résolution du Conseil européen (chefs d’État) adoptée lors du sommet d’Amsterdam des 16 et 17 juin 1997 et de 2 règlements du Conseil des ministres des États-membres. Ces textes font suite à certaines dispositions du Traité d’Union Européenne signé à Maastricht le 7 février 1992. Ces restrictions à la libre conduite des politiques budgétaires ont été, évidemment, des conditions obligatoires pour le passage à la monnaie unique. La logique et les fondements juridiques du Pacte sont liés, bien entendu, au choix de la construction d’une Europe libérale avec un marché et une monnaie. L’abandon de la souveraineté nationale en matière monétaire sans transfert aux États-membres de possibilité d’agir sur la politique budgétaire est devenu logique puisque, selon les règles du jeu de l’économie de marché, le pilotage s’effectue par la manipulation d’instruments monétaires et budgétaires de façon harmonieuse. Une telle image idyllique de « policy mix » est depuis longtemps dépassée par la « vision supérieure » des technocrates libéraux qui considèrent que si l’État n’a pas la maîtrise de sa monnaie, il doit quand même lui rester la possibilité d’agir sur son budget.

 

Les « mandarin-technocrate-libéraux-européens » se sont dit qu’il fallait bien laisser un os à ronger à l’État ! Sinon que lui serait-il resté ? Mais il ne fallait quand même pas trop lui en laisser ! C’est pourquoi on s’appliqua à limiter la marge de manœuvre par ces « fameux » critères ou ces règles d’or du Traité, en particulier par les articles 104, 104A,104B et l’article 104C qui stipule que les États-membres évitent les déficits publics excessifs – pas plus de 3 % pour le rapport entre le déficit public et le PIB et pas plus de 60 % pour le rapport entre la dette publique et le PIB. Certains technocrates ont la conviction que le développement économique – encore lui ! – doit s’appuyer sur une monnaie stable laquelle ne se conçoit pas en dehors de finances publiques équilibrées. Rappelons que selon l’idéologie de marché, dans le cas d’économies cloisonnées par des monnaies différentes, l’État peut recourir au déficit budgétaire pour relancer la croissance. Mais il subit les effets de sa politique de mauvais élève en termes de taux d’intérêt et de taux de change.

 

Pourquoi est-on prisonnier de la croissance ? Pour maintenir la confiance dans notre monnaie devenue marchandise ! Les autres nations évaluent notre monnaie selon notre « dynamisme » économique. Nous sommes dans l’obligation, pour les 20 pays aux économies si différentes qui sont dans la zone euro et dans l'UE, d’avoir une « croissance forte » afin que les cambistes des grandes banques du monde entier ne vendent pas les euros qu’ils détiennent ! Notez que parmi les pays de l'UE qui n'ont pas l'euro comme devise, certains, comme le Danemark et la Suède par exemple, ne sont pas forcément les pays les plus "malades" économiquement. Mais aussi et surtout, la croissance est obligatoire pour que les entreprises et les États puissent continuer à payer les intérêts. Car comme la bulle de la dette est plus importante que la masse monétaire (l’argent des intérêts ne peut pas être créé par de l’argent dette), il faut que tout les agents économiques (États, collectivités locales, entreprises, individus) empruntent toujours davantage pour que le système perdure grâce au décalage temporel (l’argent que vous empruntez aujourd’hui sera remboursé sur 10 ou 20 ans). Il faut prendre en considération également dans cette équation les dépenses par les bénéficiaires de ce système, les "1 %" (Les inégalités de patrimoine aux USA (¼) - les-crises.fr/inegalites-patrimoine-usa-1). Comme ils s'enrichissent de plus en plus vite, il y a une inflation des produits de luxe et des actifs (L'inflation par les actifs non-renouvelables – cepii.fr/…2.pdf). Mais, s’il n’y a plus de croissance, tout s’écroule comme un château de cartes ! Nous sommes faits prisonniers par la spirale de la dette comme nous l'avons déjà dit.

 

Mais revenons au 16e siècle. Avec l’arrivée des galions d’or en provenance du Nouveau monde, une nouvelle superstructure est apparue. Le Capitalisme est né de la conjonction de différents facteurs. L’afflux de métaux précieux ; l’invention de l’imprimerie ; la Réforme protestante et son corollaire, la rédemption par le travail ; et, plus tard, au Siècle des lumières, la croyance au bonheur qui découle du progrès et son instrument la technoscience. Les guerriers, les nobles font la guerre pour s’approprier de nouveaux territoires et faire main basse sur le trésor du vaincu. Ils s’empressent de dépenser leur or auprès des artisans pour acquérir des biens manufacturés et lorsqu’ils n’en possèdent plus, l’empruntent ou le volent pour refaire la guerre ou le dilapider à nouveau. Le travail est totalement indigne pour un aristocrate, le guerrier fait la guerre et l’artisan, le serf, le paysan travaillent ! Petit à petit l’artisan devient bourgeois, fait du commerce, construit et thésaurise. L’or est immobilisé dans le coffre du bourgeois qui devient banquier. L'innovation du banquier sera d’imprimer du papier-valeur gagé sur l’or. Il peut dorénavant mobiliser le travail des non-bourgeois – ceux qui n’ont d’autre richesse que leur force de travail. Il faut bien l'avouer, cette escroquerie monumentale a permis une mobilisation sans précédent de l’énergie humaine dans l’histoire de l’Humanité.

 

Il est indispensable d’augmenter le volume de la monnaie dans une Nation dont l’économie se développe. Dans l’Europe du 17e siècle, les échanges s’y multiplient, l’augmentation des moyens de paiement devient aussi nécessaire que celle des moyens de transport. Les variations fréquentes et inattendues des quantités d’or en circulation n’ont jamais été en rapport avec les besoins des moyens de paiement du pays. La monnaie fiduciaire fut une innovation indispensable à l’expansion des échanges. C’est au courant du 17e siècle, alors que les routes anglaises étaient peu sures, les voyageurs craignaient d’emporter leurs pièces d’or en voyage ; ils avaient pris l’habitude de les confier aux orfèvres de la cité de Londres qui leur en délivraient des reçus appelés goldsmith notes. Comment nous l'avons vu, un orfèvre, remarquant le rôle que jouaient les reçus, eut l’idée d'en fabriquer des fictifs pour s’en servir ou pour les prêter à intérêts. Si le porteur d’un faux reçu réclamait ses pièces d’or, rien n’était plus facile que de lui donner satisfaction en puisant parmi celles que les autres clients laissaient en dépôt. Son exemple fut suivi par les autres orfèvres, puis par les banquiers de Hambourg, d’Italie, de Hollande. Or, ces reçus fictifs rendaient d’éminents services dans tous les pays qui manquaient de moyens de paiement. Une banque, vers 1650, constatant elle aussi que ses clients retiraient rarement leurs espèces, décida de créer le premier reçu au porteur à remettre à un déposant. Le billet de banque était né. À l’origine, le billet de banque n’était donc qu’un simple certificat de dépôt, une créance sur une certaine quantité d’or qui lui servait de gage. Le billet de banque devenait une monnaie dont l’économie avait besoin, une rallonge de la monnaie or. Cependant les troubles et les guerres ébranlaient la confiance du public dans la solidité des banques. Leurs billets étaient si nombreux et si divers que les paniques éclataient quand trop de porteurs en réclamaient simultanément le remboursement. Les créer devenant une opération périlleuse si tous les banquiers s’y livraient à la fois, quelques-uns prétendirent en avoir le monopole, ce qui exigeait l’intervention de la puissance publique.

 

Celui qui a le contrôle de la création monétaire est celui qui décide avant tout autre de ce que produit la Nation. Sortir du féodalisme monétaire est un préalable incontournable à une refondation économique, sociale et écologique de la société. La Nation doit pouvoir émettre la monnaie dont elle a besoin, en proportion de son développement. Et la monnaie qu'elle crée, elle doit pouvoir l'affecter aux projets qu'elle décide pour demain. Le droit régalien de l'État de battre monnaie, les Européens l'ont aboli le 7 février 1992. La grande majorité du peuple l'a fait sans le savoir : tandis qu'on focalisait les débats sur l'euro, on mettait en jeu la décision de libérer plus que jamais, totalement, ce qui constitue peut-être le plus grand "aspirateur" du régime capitaliste.

 

Or, ce peuple qui ne tolère plus un régime consacrant l'impuissance du politique, la mort de l'État social, et la croissance aveugle, ce peuple qui subit à tout instant la domination du dieu marché, méconnaît grandement l'aliment de base de son bourreau : la monnaie. Ce peuple qui croit que l'argent n'a pas d'odeur, qui croit qu'il a aboli les privilèges voilà deux siècles, ignore depuis plus longtemps encore celui des banquiers. La construction de l'Union européenne pourrait bien être motivée principalement par ce hold-up, notamment à travers l'article 104 du traité de Maastricht, transposé en France dans la loi du 4 août 1993 : « Il est interdit à la BCE et aux banques centrales des États-membres, ci-après dénommées "banques centrales nationales" d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions ou organes de la Communauté, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publiques des États-membres ; l’acquisition directe des instruments de leur dette, auprès d’eux, par la BCE ou les banques centrales nationales, est également interdite. », transformé depuis, bien entendu, dans l'article 123 du traité de Lisbonne.

 

Parallèlement, les banques ne subissent plus aucune règle sur les réserves obligatoires, et peuvent ainsi allouer autant de crédits qu'elles le souhaitent (que demandé), sur de l'argent qui n'existe pas. Ce régime a de multiples conséquences catastrophiques. Il n'est pas simplement insupportable parce que les actionnaires des banques tirent indûment de très gros dividendes… d'une monnaie créée ex nihilo. Il implique aussi et surtout une situation qui assoit dans l'avenir la domination du marché : le volume d'emprunts en cours excède toujours plus celui de l'argent en circulation pour les rembourser. D'où un surendettement (une impuissance) des États et d'un nombre croissant d'individus, ainsi qu'un pouvoir sans cesse accru pour les principaux détenteurs de capitaux : pouvoir d'achat, de rente, de décision sur les orientations de l'économie. D'où un régime dans lequel les forts taux d'intérêts ne nuisent pas, au contraire, aux premiers prêteurs. D'où un afflux de monnaie excédentaire alimentant les bulles spéculatives, moteurs d'un marché condamné à croître toujours plus pour survivre. Excédent par ailleurs non mesuré dans une inflation qui n'est plus qu'un leitmotiv idéologique, conduisant une masse croissante de victimes à prêcher sans discernement pour les intérêts d'un petit nombre de rentiers.

 

Comme les « taux directeurs » de la BCE pilotent les taux d'intérêts du crédit bancaire, ces derniers donnent le "LA" de cascades d'intérêts financiers. Or, ces intérêts pèsent de tout leur poids sur notre vie au quotidien. En tant que consommateurs : répercutés dans tous les prix, à tous les niveaux de l'équipement, du développement et de la production, ils sont toujours répercutés sur les prix. En tant que travailleurs : sans minimiser les multiples facteurs nouveaux de la mondialisation sauvage, il faut rappeler qu'il n'y a de domination du capital sur une entreprise que si celle-ci est contrainte de rechercher des capitaux… réclamant de l'intérêt. Même si cette pression des intérêts a largement diminué ces dernières années, elle reste le principe de base du système monétaire à réserves fractionnaires inhérent au capitalisme.

 

Par exemple, sur les 861 milliards d'€ d'accroissement de la dette de l'État français entre 1980 et 2004 – en € constants 2004 – le nouveau capital emprunté représente 211 milliards seulement pour 650 milliards d'intérêts que la collectivité, contrainte à emprunter sur les marchés financiers une monnaie qu'elle pourrait créer, doit payer – par l'impôt direct ou indirect – à des "particuliers", ceux qui sont déjà les plus riches, qu'ils soient français ou étrangers.

 

Le TINA, attribué à Mrs Thatcher pour son refus d'envisager toute autre mesure que les réformes libérales qu'elle initia au début des années 1980 : quels que soient les arguments qui lui étaient présentés, elle répondait « There is no alternative », soit en français « Il n'y a pas d'alternative », n'a évidemment rien d'immuable. Les dénationalisations et le démantèlement de l'État, que l'idéologie néolibérale présente aujourd'hui comme la seule façon de garantir la prospérité, sont l'exact opposé des nationalisations et de l'élaboration de cet État-providence, c'est-à-dire redistributeur, qui furent préconisées pour organiser la paix à la fin de la seconde guerre mondiale. Affirmer l'obligation d'organiser l'économie de telle ou telle façon, en vertu d'une loi qui serait immuable, n'est pas un argument, mais la méthode employée par les laudateurs du capitalisme pour imposer l'orientation qu'ils ont choisie, et empêcher toute discussion en coupant court à tout argument contraire. De sorte que l'opinion ne soit pas à même de peser le pour et le contre.

 



23/03/2018
0 Poster un commentaire