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De la compétitivité à la convivialité

 

84 - De la compétitivité à la convivialité

 

« L'homme le plus heureux est celui qui fait le bonheur d'un plus grand nombre d'autres. » Diderot

 

Nous vivons, aujourd'hui en Occident, dans un monde d'abondance avec une structure politico-socio-économique basée sur la rareté. De même que ce ne sont pas ceux qui possédaient de nombreux esclaves qui ont aboli l'esclavage, ce ne sont pas ceux qui sont les bénéficiaires du système basé sur la rareté, qu'est le capitalisme, qui vont l'abolir ! L'utopie, aujourd'hui, c'est de continuer à croire qu'il est possible de gagner sa vie en détruisant le monde et que nous pouvons continuer à fonctionner avec une structure politico-économique qui date du 18e siècle.

 

Quel monde avez-vous envie de laisser à vos enfants ? Dans le système actuel, vos enfants seront soit des assistés soit des exploités. Pourquoi accepter d'être punis ? De perdre son emploi ? Alors que nos parents et nos grands-parents ont été assez géniaux pour créer des machines et des robots qui font et feront de plus en plus de travail à notre place. Et le pire, c'est que nous continuons à faire grève pour le plein emploi ! Cessons de perdre notre vie à la gagner. Depuis l'aube de l'Humanité l'homme a utilisé son intelligence pour créer des outils qui rendront sa tâche moins pénible. La richesse produite en France fut multipliée par quatre au 19e siècle, et par douze au 20e siècle. Parallèlement, la durée de travail employée à cette production qui occupait 42 % du temps d’une vie éveillée en 1900 s’est réduite à 14 % dès 1960. Les nantis ont toujours profité du travail des autres. Pourquoi les autres dont le travail ne trouve plus d’utilité aujourd'hui, ne profiteraient-il pas enfin du travail des machines ? Si les États avaient géré leurs biens en bons pères de famille, il y a bien longtemps que nous ne serions plus des contribuables mais des "attributaires".

 

Depuis la Révolution Française et son droit universel, l'État démocratique français ne se définit plus en opposition aux autres peuples. Les démocraties libérales (capitalistes) ne se définissent plus par leur opposition aux autres États, comme le montre bien la domination des transnationales et la globalisation. Désormais, on le sait depuis Marx, l'opposition ami-ennemi s'est transférée en division intérieure entre classes, entre groupes sociaux. La grande différence est que l'État ne représente plus l'unité de la Nation mais les intérêts de la classe dominante, bien qu'il se réclame toujours de l'idéologie de l'unité, de la volonté générale et de l'intérêt national. Dès lors, il devient évident pour la pensée sociologique et marxiste que la politique consiste dans la lutte entre différents groupes sociaux, entre différents "lobbies", entre des intérêts opposés. Chaque parti représente sa base sociale, principalement petite bourgeoisie ou salariés et, bien que tous aient la prétention de représenter l'intérêt général, c'est bien l'absence d'unité, de cohésion sociale qui dégénère en lutte des classes institutionnalisée, en clientélisme, en corruption et enfin, en désintérêt pour la politique. De véritables écolo-socialistes pourraient se distinguer justement en restituant la fonction du global, de la totalité, avec pour conséquence de n'avoir pas vraiment de base sociologique puisqu'ils s'adressent à tous ceux qui respirent, à tous les habitants de la planète. L'écologie ne sert pas simplement à limiter les dégâts, elle est la réappropriation de la vie pour tous, l'affirmation de notre communauté humaine.

 

Concrètement, en Occident, une infime minorité manipule et divise les masses populaires entres artisans/commerçants et fonctionnaires, salariés et chômeurs/assistés sociaux, privé et public, travailleur français et travailleur issu de l’immigration. En fait, nous sommes tous esclaves de cette immense escroquerie au bénéfice de quelques financiers, industriels et mandarins-technocrates. Ils ont comme chiens de garde, et cela à été dit et répété dans de nombreux ouvrages et documentaires (Les nouveaux chiens de garde - vimeo.com/233964518), des intellectuels, des économistes, des journalistes pour promouvoir la propagande officielle. Tous les intellectuels, heureusement, ne se sont pas laissé acheter par le système dominant. Mais c’est tellement plus confortable ! Leur raisonnement est simple : ce n’est pas moi qui vais changer le monde. On est révolutionnaire à 20 ans et à 40 ans, hé bien on fait comme tout le monde et on essaie de voir comment on peut profiter au mieux de la bêtise humaine et gagner un maximum de pognon !

 

Et derrière des politiques apparemment différentes, on retrouve le même fonds culturel. Prenons l'exemple de la technique, de l'efficacité. La gauche, la droite, les anciens pays socialistes et les pays dits libéraux, tous ont eu ou ont finalement le même culte de la technique. La culture, c'est l'ensemble des grands choix qui structurent la vision du monde, la vision de la société, la vision des autres hommes. Or, on voit bien que tous ces grands choix sont beaucoup plus profonds que les choix politiques. Pour le dire autrement, la technocratie est l'aboutissement d'une tradition qui n'est pas une tradition seulement politique, mais une tradition culturelle. Depuis le Moyen-âge, l'Occident a laissé le pouvoir aux marchands, qui eux-mêmes se sont énormément servis des ingénieurs et de ce qu'on peut appeler la révolution technique. On peut dire que l'Occident a été complètement fasciné et possédé par le mythe de la machine, par le fantasme de la mécanique. Les médecins ont mis au point une sorte d'ingénierie médicale. De même, depuis des siècles, on a conçu la société comme une sorte de grande mécanique. Saint-Simon explique qu'une société est une usine, et qu'il faut la gérer comme une usine. Le peuple, pendant des décennies et des décennies, s'est vu donner des leçons de mécanique et a fini par assimiler toutes les réalités – que ce soit l'homme, la société, le monde ou la vie en général – à de la mécanique. Il ne faut donc pas s'étonner que cela donne une technocratie. Technocratie qui peut avoir des formes de gauche tout comme des formes de droite. Ce qui est en cause, c'est une longue tradition culturelle qui conduit à la technocratie. Les grands partis politiques ne font jamais que proposer des variantes de technocratie. Il n'existe pas de partis qui donneraient la parole justement à ceux qui sont peut-être des rebelles, des résistants, qui voudraient inventer autre chose. Le combat écologiste est aussi un combat culturel. Les bases métaphysiques de notre civilisation sont fondamentalement erronées et si elles ont pu en leur temps avoir une certaine efficacité, elles sont maintenant caduques, absurdes et stupides.

 

Les citoyens pressentent que notre civilisation va droit dans le mur, mais, ils ont peur du changement et ils se demandent ce qui va bien pouvoir remplacer cette civilisation qui aura été finalement bien plus destructrice que glorieuse. Il existe une véritable attente, de la part des Français, pour une nouvelle vision. L'utopie d'hier est l'ordinaire d'aujourd'hui. Le fait qu'une idée soit prématurée ne signifie pas qu'elle ne soit pas réalisable un jour futur. Dans notre civilisation, avoir l'esprit ouvert, c'est-à-dire sans préjugé, est assez rare, non pas parce que l'intelligence en est absente, mais par conformisme socio-psychologique qui veut que l'on soit en accord avec la majorité, faute de quoi on risque de subir l'exclusion du groupe.

 

Si on a une haute idée de l'Homme, on peut se dire que chacun a les moyens d'être critique, que rien ne nous empêche d'ouvrir les yeux. Dans la pratique, cela requiert de l'héroïsme. Et peut-on exiger que tous les gens d'aujourd'hui, pris dans ce système, soient des héros ? Il faut distinguer différents niveaux. Le cas de ceux qui veulent le pouvoir ou qui en profitent mérite d'être examiné de près. Pour les intellectuels qui ont des loisirs, qui ont du temps, qui en principe ont de la culture, ceux-là peuvent être soupçonnés de lâcheté. C’est dommage d’avoir si peu confiance en l’Humanité. Le rôle du penseur, du philosophe, du sage, de l’intellectuel, appelez-le comme vous voudrez, c’est d’élever le niveau, de parler avec son cœur, de contribuer à alléger le fardeau de ses frères et sœurs humains. Mais pour ce qui est de l'ensemble des citoyens, beaucoup sont conditionnés par les médias de masse qui sont là pour ça !

 

Les civilisations sont mortelles elles aussi, et la nôtre se meurt, pendant que la nouvelle est déjà en gestation au sein même de l'actuelle. Et pendant ce temps-là, notre monde présente une face de plus en plus uniforme, internationalisée par l'économie, les sciences, les médias de masse et les toutes puissantes transnationales qui règnent en despotes quasi-absolus et pour lesquelles tout est permis. L'histoire de l'Humanité sur Terre nous a appris que c'est toujours un petit nombre qui met en doute le schéma mental établi comme dogme absolu, qui ose proposer ce que d'autres – par ignorance et par peurs de toutes sortes, peur du ridicule et de l'exclusion entre autres – n'oseront jamais. Le peuple se doit de mettre au pas les commerçants-financiers nihilistes et cyniques. Ce n'est assurément pas à la politique de se soumettre à la loi des marchés. Cette loi qui n'a bien entendu rien d'une loi mais est simplement une invention des marchands. Il s'agit bien de renverser l'ordre des choses. Certes, les hommes continueront à produire, à échanger et à consommer mais, la politique qui est l'art de gérer la cité se doit de reprendre ses lettres de noblesse.

 

À cause de l'erreur philosophique fondamentale du matérialisme métaphysique que toute notre culture a commise, on a pris la décision métaphysique qui s'est maintenue depuis le 18e siècle jusqu'à nos jours, d'exclure l'esprit de l'ordre naturel et de traiter tous les problèmes comme étant physiques. La philosophie du 20e siècle a signé sa propre condamnation à mort en arrivant, de diverses manières, à la conclusion que la philosophie était finie, que l'exploration de la réalité n'avait pas de sens, si ce n'était en la mesurant par l'extension des sens que sont les instruments scientifiques. On a oublié que la décision de considérer la réalité comme matérielle a été une décision prise collectivement et non une découverte objective. Tout ceci nous a conduits au dogmatisme actuel, le matérialisme scientifique.

 

Les modèles inventés pour expliquer les phénomènes physiques, chimiques, biologiques et autres ne sont justement que des "modèles" (A 9). L'arsenal mathématique et donc conceptuel qui sous tend ces modèles ne représente, en aucun cas, une vérité ultime. En clair, la vérité scientifique n'existe pas. Même si le modèle matérialiste est parfois utile et pratique pour expliquer certains phénomènes, il ne faut surtout pas en rester prisonnier. La techno science s'est instaurée comme la religion, la croyance dominante en Occident. Au nom de cet intégrisme, les gourous de la techno science se permettent, entre autres, de manipuler le vivant. En fait, aussi longtemps que nos démocraties seront aux ordres des pouvoirs financiers et de leurs gourous les techno-sorciers économistes, physiciens ou biologistes ; aussi longtemps que la croissance et le profit de quelques privilégiés passeront avant le respect de la Nature, des êtres vivants en général et des milliards d'être humains en particulier ; aussi longtemps que nous accepterons de travailler, de con-sommer et de vivre sans nous remettre en question ; aussi longtemps que nous aurons peur d'avoir peur du changement ; le matérialisme néolibéral continuera inexorablement sa destruction des cultures, des peuples, des forêts tropicales, de la couche d'ozone... et de notre propre humanité intérieure. Nous deviendrons alors les rouages parfaitement efficaces, productifs et rentables du nouvel ordre mondial néolibéral.

 

Les peuples heureux ignorent le Progrès. Ils ignorent la rationalité, le temps calculé et les mathématiques, donc l'économie et le calcul économique. Technique et économie sont enchâssées dans le social. Leurs représentations en témoignent. Celles-ci sont le plus souvent tournées vers le passé, donc antiévolutionnistes : l'homme descend des dieux et non des singes... La construction imaginaire du progrès comme du développement est dans ces conditions quasi impossible. Dans beaucoup de civilisations – peut-être toutes – avant le contact avec l'Occident, le concept de développement était tout à fait absent. Ces sociétés traditionnelles ne considèrent pas que leur reproduction soit dépendante d'une accumulation continue de savoirs et de biens censés rendre l'avenir meilleur que le passé. Les valeurs sur lesquelles reposent le développement, et tout particulièrement le progrès, ne correspondent pas du tout à des aspirations universelles profondes. Ces valeurs sont liées à l'histoire de l'Occident, elles n'ont aucun sens pour les autres sociétés. En dehors des mythes qui fondent la prétention à la maîtrise rationnelle de la nature et la croyance au progrès, l'idée du développement est totalement dépourvue de sens et les pratiques qui lui sont liées sont rigoureusement impossibles parce qu'impensables et interdites. Ces peuples traditionnels – d'Afrique, d'Amérique du sud ou d'Asie – sont heureux car ils ignorent "cette idée neuve en Europe", le bonheur, qui découle du progrès.

 

Revenons aux vraies valeurs, renouons avec notre nature profonde et réconcilions-nous avec notre mère à tous : la Terre. Le moine dominicain Matthew Fox a dit dans un écrit au titre provocateur, " Ma dernière déclaration avant d'être réduit au silence par le Vatican" : " la Terre-mère est en danger, à cause de l'anthropocentrisme de la religion, de l'éducation et de la science de ces trois derniers siècles. Nous avons besoin d'un nouveau commencement, axé sur le caractère sacré de la planète... Nous croyons que tous les adultes peuvent toucher l'enfant divin qui existe à l'intérieur d'eux-mêmes."

 

Cela dit, la technique nous est bien utile et il ne s’agit pas, bien entendu, de revenir à la bougie. Mais sachons simplement utiliser les techniques pour le bien être de l’Humanité et non pas de faire l’erreur métaphysique fondamentale qui serait l’instauration d’une « religion » : le matérialisme scientifique. Il faut remettre les choses à leur place, les techniques sont là pour nous rendre la vie plus confortable et plus facile ; point final !

 



23/03/2018
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